vendredi 5 décembre 2008

Après le nouveau FN, une nouvelle scission

Le Front National a indéniablement ses points forts. Le parti francophone d’extrême-droite a une histoire de scissions et de disputes internes comme nul autre ne peut s’en vanter. Le Front National « rénové » ne renie pas cette tradition. Après le départ de Delacroix, un nouveau président devait être élu, ce qui a été prétexte à une nouvelle scission.


Delacroix en Féret


Après la disparition du président Féret (pour cause de détournement des moyens de son parti pour la construction d'une villa au sud de la France notamment), son successeur Michel Delacroix a dû rapidement débarrasser le plancher. Delacroix avait il y a quelques temps été poursuivi pour possession d'armes et n’était pas connu pour tenir des propos particulièrement doux. Pourtant, il affirmait vouloir rénover le parti en un parti d’extrême-droite moderne. Mais après qu’une vidéo de lui chantant une chanson violemment anti-juive avec un membre du conseil du CPAS de Malines pour le compte du Vlaams Belang ait été publiée, il a dû quitter ses fonctions.


Après le départ de Delacroix (qui reste toutefois parlementaire et membre du bureau de parti du FN), il fallait trouver un nouveau président. Deux candidats ont émergé : le responsable financier du FN, Huygens, et un candidat de l'aile wallonne du parti, Petitjean. Huygens a eu la préférence de la plupart des chefs du parti dont le bruxellois Patrick Sessler, qui tire de plus en plus les ficelles au FN. Ce dernier serait aussi favorable à un arrangement avec le Vlaams Belang, selon l’édition d’hier du quotidient flamand De Morgen. Ce journal affirme que Filip Deman a obtenu un mandat du VB pour travailler en coulisse à la « modernisation » du FN. Le nationalisme belgicain du FN ne semble apparemment pas former un obstacle pour faire notamment des conventions électorales à Bruxelles avec l’extrême-droite nationaliste flamande.


Avant les élections pour la présidence du FN (à laquelle seulement une vingtaine de personnes ont eu l’opportunité de participer) Petitjean a été menacé par des inconnus. Sur les murs de son habitation à Pont-à-Celles (près de Charleroi), le grafitti suivant a été inscrit : “FN, si tu allumes la flamme, je suis là pour l’éteindre.” Selon Petitjean, cette même phrase figurait dans un mail qui lui a été envoyé par un membre de l'entourage de Sessler. Ensuite, une vitre de sa façade a volé en éclat. L'ordre et la discipline ne sont pas des notions vides de sens pour l’extrême-droite.


Lundi dernier, le bureau de parti du FN s'est déroulé dans un certain chaos. 16 personnes étaient présentes et Huygens a finalement été élu à l’unanimité. À un moment où le parti a perdu ses dotations - alors que le FN dépend à 98% de ces dotations - il n'a pas semblé être une mauvaise idée d’élire président le responsable financier du parti…


Le soutien unanime pour Huygens ne représentait toutefois pas 16 voix, mais seulement 11. Cinq membres du bureau de parti sont partis avant le vote, dont les parlementaires wallons Charles Petitjean et Charles Pire. Ces derniers veulent fonder un nouveau parti, la « Fédération wallonne du FN », à ne pas confondre avec la fédération wallonne du FN de Huygens. Tous disent être contre l'idéologie totalitaire, dont le national-socialisme, sur lequel la direction du FN continue à se baser. Qu'eux-mêmes aient fait durant plusieurs années partie de cette direction du FN ne rentre visiblement pas en ligne de compte.


Donc, 11 des 20 membres du bureau ont soutenu le nouveau président, dont Michel Delacroix lui-même. Mais d’autres problèmes se sont encore ajoutés à tout cela. A côté des problèmes financiers du parti, différents scandales ont émergé, dont l’inculpation du parlementaire Borbouse pour violence conjugale (ce qui, convenons-en, le fait plutôt mal dans un «parti de la famille»). Un collaborateur de ce Borbouse a été condamné en 2000 pour fraude (ce qui n’est pas une bonne chose dans un parti qui veut lutter contre la criminalité).


Ces nouveaux développements au FN sont le résultat de la position étrange dans laquelle ce parti se trouve. Sur base de l'exemple du grand frère français, le FN obtient des scores électoraux non négligeables (à concurrence de 7% à 8%) mais, en même temps, le FN belge ne dispose d’aucune structure solide ou de cadre de parti développé qui pourrait éviter que les disputes internes ne soient la norme plutôt que l'exception. Le FN vit en d'autres termes au dessus de ses moyens et en paye le prix fort. Il lui est impossible de se développer en un parti qui dispose de suffisamment de cadres et de militants pour pouvoir inverser le cours des choses. Le FN veut se diriger dans cette direction, mais beaucoup de temps et de crédit ont été perdus. Cela ne signifie toutefois pas qu’aucun espace n’existe pour une formation d’extrême-droite du côté francophone du pays. Bien au contraire, comme le démontre le fait que sans véritable projet, le FN réussit déjà à obtenir autour de 10% dans certaines villes.


Pour les antifascistes, la vigilance reste de mise. Nos dernières actions contre la venue de Le Pen à Bruxelles ou contre la tentative du FN d’organiser un meeting électoral à Molenbeek (tentative tombée à l’eau comme Patrick Sessler n’a pas pu trouver de salle, en accusant ensuite la « loi de la rue » imposée par le MAS/LSP et Résistance Internationale), étaient des mobilisations justifiées et importantes pour éviter que le FN ne puisse faire ses premiers pas pour se développer en un parti de cadre. Nous avons également participé le 1er mai dernier à Charleroi à une manifestation contre la tentative du groupuscule Nation d’organiser son propre rassemblement à l’occasion du 1er mai. La période à venir connaîtra encore des actions et des campagnes antifascistes. Participes-y aussi !