samedi 8 décembre 2007

Brochure environnement. Détruire le capitalisme… avant qu’il ne détruise la planète !

I) Avant de commencer…



Pour certains, les idées exprimées ici seront irréalistes. Pourtant, nous pensons qu’elles tiennent la route et qu’on ne peut pas en dire autant de l’écrasante majorité des propositions concernant l’environnement. L’utopie ne réside pas dans les solutions que nous proposons, elle réside dans la croyance que le capitalisme est un système viable.


Pour d’autres, les critiques que nous apportons à différentes solutions en voguesont déplacées. Nous estimons que ceux qui prennent la problématique environnementale assez au sérieux se rendront compte que la discussion sur les méthodes d’action face aux problèmes environnementaux est d’une importance cruciale. De la même manière que l’on n’applique pas une lotion différente sur chaque bouton d’un malade et que l’on s’en prend au virus, laisser se développer diverses pratiques et analyses sans les examiner de manière critique en se disant simplement que « faire quelque chose, c’est déjà bien », ce n’est - même involontairement - que laisser l’énergie dont la lutte a besoin se dilapider.


Beaucoup de gens ont refusé de s’engager dans la lutte contre les dangers que court notre milieu car les méthodes et les discours face à la problématique environnementale leur paraissaient souvent peu (ou pas) assez efficaces et fort abstraits. Il faut reconnaître que cela a souvent été le cas. Mais prendre position, ce n’est pas donner des leçons et nous voulons utiliser ce texte comme contribution au débat sur l’écologie, en renfort de nos activités de terrain par lesquelles nous voulons concrètement illustrer et démontrer ce que nous avançons.


D’autre part, afin de ne pas trop alourdir le texte (et un peu aussi par facilité), les références ne sont pas systématiquement citées pour chaque information. Cette brochure a principalement utilisé comme source d’information de nombreux numéros de La Libre, du Soir ou de Courier International, le Manière de voir n°81 édité par le Monde diplomatique ( « Ecologie : le grand défi » - Juin-Juillet 2005), L’Atlas environnement édité par le Monde Diplomatique, le Hors série de Science et Vie consacré au climat en septembre 2007… et de nombreux textes et débats du Mouvement pour une Alternative Socialiste et de son organisation internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière.



II) Changement climatique: un problème déjà bien réel

La question environnementale - et plus particulièrement tout ce qui a trait aux changements climatiques - fait désormais partie intégrante de l’actualité et des préoccupations de la population. Même le récent film des « Simpson » prend pour toile de fond la pollution causée par l’homme ! Un sondage réalisé durant l’été 2006 pour le compte de la Commission européenne révèle d’ailleurs qu’il s’agit de la première préoccupation des Européens qui ont été sondés , et parmi eux plus particulièrement les Belges. Depuis lors, aucun évènement n’a permis de diminuer cette inquiétude.


Durant l’été 2007, la fonte des glaces arctiques a été plus importante de 2,61 millions de Km² par rapport à la moyenne à cette époque : 10 fois la superficie du Royaume-Uni ! Au même moment, les inondations en Afrique ont touché au moins un million de personnes dans 17 pays et les premières estimations font état de plusieurs centaines de morts. En Ouganda, par exemple, 150.000 personnes ont perdu leur logement entre le début du mois d’août et la mi-septembre tandis que 400.000 autres, pour cause d’inondation des routes et des champs, ont perdu leur moyen de subsistance. L’inondation des champs et des sources a entraîné, en Ouganda comme au Nigeria, au Soudan ou encore au Ghana, un grand besoin d’eau potable et de nourriture alors que la région ne s’était pas encore remise des inondations de l’année précédente, qui avaient été les plus fortes depuis 50 ans. Beaucoup de décès et de dégâts auraient été évités sans la déforestation effrénée qui sévit en Afrique comme ailleurs.


Mais l’Afrique ne souffre pas que de ces inondations catastrophiques. Elle subit en même temps – même si cela semble paradoxal - un affaiblissement de la saison des pluies. Ainsi, le Lac Tchad, bordé par le Nigeria, le Niger, le Tchad et le Cameroun, est lui aussi victime du dérèglement climatique. Autrefois l’un des plus grands d’Afrique avec une superficie de 26.000 Km², il ne s’étend plus actuellement que sur 1.500 Km², soit à peine 5% de sa surface initiale.


En Asie, par contre, s’il y a également un dérèglement de la saison des pluies, il s’effectue en sens inverse et ce continent a connu cette année la mousson la plus violente de son histoire. L’exemple du Bangladesh est particulièrement révélateur de l’impact du changement climatique puisqu’il s’agit de l’un des pays au monde à être le plus rapidement et le plus fortement touché par ses conséquences. Ce pays, qui est en fait un gigantesque delta, est « habitué » à devoir subir des inondations catastrophiques. Mais si par le passé celles-ci survenaient en moyenne un fois tous les vingt ans, la population du pays doit maintenant faire face aux ravages des eaux tous les cinq ans ! Et avec l’élévation des températures, la fréquence et l’intensité des cyclones ne va qu’augmenter…


Le Bangladesh sera de plus particulièrement touché par la hausse du niveau de la mer, car si celui-ci augmente de 88 ou 89 centimètres, comme le projettent différents modèles de calculs, 20% du pays sera sous les eaux, ce qui entraînera le déplacement de 20 millions d’habitants. D’autre part, le ruissellement issu de la fonte des glaces de l’Himalaya amplifiera les problèmes, surtout au vu du fait qu’une grande partie de l’eau pouvait précédemment être retenue par les arbres, ce que la déforestation rend dans une large mesure impossible.


Dans les pays du monde néo-colonial, ou « pays en voie de développement », 3 millions de personnes (principalement des enfants) meurent chaque année à cause de la pollution des eaux due aux déchets industriels et ménagers à l’échelle mondiale. Près de 3 milliards de personnes au monde n’ont pas d’accès à une eau de qualité !


GIEC : Késako ?

Constitué en 1988, le Groupe Intergouvernemental d’experts sur le climat émet un rapport tous les six ans. Ce groupe depuis peu très médiatisé est constitué de 2.500 scientifiques désignés par les 130 Etats représentés au sein du GIEC.

L’essentiel de son travail est constitué de synthèses et d’évaluations des travaux déjà existants. Tous les scientifiques qui participent à ces travaux sont bénévoles et bossent « la nuit et le week-end » comme l’indique l’un d’entre eux. En fait, le GIEC ne dispose que d’une dizaine de salariés et de quelques bureaux à Genève. De là à voir dans la faiblesse de moyens accordés une illustration de la véritable volonté des Etats membres de s’en prendre au problème, il n’y a qu’un pas…

A la tête du GIEC se trouve une Assemblée Générale dans laquelle chaque Etat membre dispose d’une voix pour prendre des décisions sur base de résumés produits par les chercheurs. C’est, explique la directrice du centre en recherche d’histoire des sciences Alexandre Koyré « un processus intensément politique où s’exprime toute une gamme d’intérêts nationaux divergents ». Les Etats-Unis ont par exemple décidé en 2002 d’écarter le président du GIEC de l’époque, jugé trop militant par le groupe pétrolier Exxon Mobil…

Maintenant que le GIEC doit se concentrer sur la recherche de solutions face à un constat qui n’est remis en question par personne (Bush lui-même a avoué avoir été influencé par le rapport du GIEC, même si cela ne se voit pas vraiment), l’influence d’Etats aux intérêts divergents se fera encore plus sentir.


Une situation qui nous concerne aussi directement

Les pays issus du monde néo-colonial ne sont évidemment pas les seuls qui ont à craindre les effets du changement climatique et de la pollution de façon plus globale. L’augmentation de l’ozone dans l’hémisphère nord diminue ainsi fortement le rendement des récoltes, perte chiffrée entre 6 et 12 milliards de dollars par an. On peut encore mentionner l’arrivée de nouvelles maladies jusqu’alors inconnues dans les pays européens, comme le chikungunya (une maladie infectieuse tropicale qui donne de très fortes douleurs articulaires), dont plus d’une centaine de cas ont été constatés dans le nord de l’Italie et qui sévit aussi en France.


En 2005, aux Etats-Unis, l’ouragan Katrina a fait 1.500 victimes, rendu un million de personnes sans abri et causé 120 milliards de dollars de dégâts (soit un peu moins de la richesse produite annuellement par un pays comme le Venezuela). Le réchauffement continuel de l’Atlantique tropical augmente l’intensité des cyclones. Un ouragan comme celui de Katrina est estimé devoir se produire tous les 300 ans, mais il y a déjà eu deux événements de cette ampleur ces 80 dernières années. Cette année, après un début d’année exceptionnellement doux dans l’hémisphère Nord, l’été a été marqué par des pluies torrentielles en Angleterre (les plus graves depuis 60 années selon l’agence de l’Environnement britannique) ou encore par la canicule meurtrière qui a touché la Roumanie, la Grèce, l’Italie, l’Albanie et la Turquie). En fait, depuis 1970, le coût annuel des catastrophes au niveau mondial est en augmentation de 2% chaque année tandis la pollution atmosphérique tue chaque année 2,5 millions de personnes.


Certains scientifiques ont tenté d’évaluer le coût des services rendus gratuitement par les écosystèmes (analyse qui est à prendre avec du recul et qui sert à illustrer et rendre plus concret ce que signifie la disparition de ces espèces plutôt qu’à aboutir à une véritable donnée précisément chiffrée). Le résultat de la perte de l’épuration naturelle des eaux, de la pollinisation des plantes cultivées par les insectes,… est au bas mot de 33.000 milliards de dollars, à peine moins du double de la richesse mondiale ! Sans parler des vertus médicinales des plantes, connues ou inconnues.


Et ici n’a-t-on pas encore abordé qu’une partie des problèmes liés à la question environnementale. Comme l’affirme le GIEC : « Dans les situations de stress écologique, la guerre pourrait devenir le moyen ultime de redistribuer des ressources en diminution ». Le Secrétaire britannique à la défense, John Reid, est allé dans le même sens en avertissant que « La vérité crue, c’est que le manque d’eau et de terres cultivables est une cause significative du conflit tragique que nous voyons se développer au Darfour, note-t-il. (...) Nous devons considérer cela comme un signe d’avertissement ». De son côté, un rapport commandé par le département américain de la Défense a affirmé en 2003 que « La violence et les turbulences découlant des tensions créées par des changements abrupts du climat impliquent une menace pour la sécurité nationale différente de ce que nous avons l’habitude de voir aujourd’hui. (...) Des confrontations militaires peuvent être déclenchées par un besoin désespéré de ressources naturelles, comme l’énergie, la nourriture et l’eau. plutôt que par des conflits autour de l’idéologie, de la religion ou de l’honneur national. »


Il y avait en 2006 plus de 100 millions d’hommes et femmes en migration vers un autre pays. Mais selon Norman Meyers, de l’université d’Oxford, il y aurait en plus, au bas mot, 50 millions de réfugiés climatiques en 2010 et 200 millions d’ici 2050. L’environnement pollué est tenu pour responsable de 25% des décès dans les pays du monde néo-colonial et de 17 % dans les pays développés. En France, il y a ainsi entre 6.000 et 9.000 morts par an et au niveau mondial, 4 millions d’enfants meurent chaque année. L’Organisation Mondiale de la Santé a d’ailleurs lancé un appel en 2004 pour « protéger les moins de 5 ans (soit 10% de la population mondiale) qui supportent 40% des maladies liées à l’environnement notamment parce qu’ils absorbent d’avantage de substances nocives par rapport à leur poids corporel ».


D’autre part, un réchauffement moyen supérieur à 2 ou 3° (ce qui signifie des pics extrêmes bien plus importants) aurait pour conséquence une baisse du rendement agricole, alors que le pire scénario du GIEC prévoit un réchauffement de 6,4° d’ici 2100. Mais il est particulièrement difficile d’élaborer des perspectives précises tant les inconnues sont nombreuses. De plus la désinformation et les conflits d’intérêts n’améliorent pas nos capacités à cerner au mieux cette problématique. La meilleure façon de voir ce que l’avenir nous réserve est certainement d’observer le présent et l’évolution passée. A ce titre, on ne peut que craindre le pire : la température moyenne du globe a augmenté de 0,74°C au cours du siècle dernier et les 11 dernières années font partie des 12 les plus chaudes jamais enregistrées !



III) Qui sont les responsables ?

Au fur et à mesure de l’histoire de notre planète, les changements climatiques et les extinctions d’espèces ont été nombreux. Ainsi, il y a 250 millions d’années, un important rejet de gaz carbonique dans l’atmosphère dû à l’activité volcanique sibérienne qui a duré 700.000 ans a décimé entre 90 et 95% des espèces marines.


Aujourd’hui, au terme de 15 années de recherches, le doute n’est plus permis : si c’est bien encore une fois bien l’émission de gaz carbonique qui est en cause, la responsabilité humaine ressort de manière limpide des différentes études (le dernier rapport du GIEC l’estime certaine à 90%). De fait, les hydrocarbures fournissent les deux tiers de l’électricité mondiale et en premier lieu le charbon, le plus émetteur de tous. Pour produire la même quantité d’énergie, les écarts d’émissions de CO² sont pratiquement de l’ordre de 1 à 100 entre le charbon et l’énergie issue des centrales hydrauliques. Mais plutôt que de condamner l’activité humaine en bloc, il faut s’attarder sur la manière dont cette activité est organisée.


Les Etats-Unis sont responsables à eux seuls de 22% des émissions totales de gaz carbonique. Et lorsque l’on rapporte l’émission de CO² au nombre d’habitants, les USA restent en première ligne, suivis par l’Australie… tandis que la Belgique arrive en troisième place ! Des pays émergents comme le Mexique, la Chine et l’Inde se retrouvent respectivement en 10e, 11e et 12e position. Dans le même ordre d’idées, si le monde entier avait le niveau de consommation de la Suisse, la Terre ne pourrait subvenir qu’aux besoins de 600 millions de personnes alors que nous sommes 6,5 milliards sur la planète !

Il serait facile de voir là la clé de la responsabilité de la pollution et des changements climatiques. Et de fait, ce clivage « Nord-Sud » se retrouve dans bon nombre de débats, y compris au sein du GIEC où les pays développés insistent sur les répercussions des émissions à venir (les économies des pays du monde néo-colonial sont plus polluantes, mais moins développées) tandis que l’Inde ou la Chine insistent sur l’impact des émissions passées. L’actuel président du GIEC, l’économiste indien Rajendra Pachauri, déclare lui aussi que « c’est aux pays développés d’en faire plus ». Mais les émissions des pays émergents explosent et au rythme actuel l’Inde et la Chine seront les plus grands producteurs de gaz à effet de serre d’ici 10 ans. Ainsi, entre 1994 et 2004, la Chine a augmenté chaque année ses émissions de GES de 4% et le charbon lui fournit encore deux tiers de son énergie. A cela, Rajendra Pachauri rétorque que « Si réduire les émissions signifie réduire notre niveau de développement, les gens ne l’accepteront pas ».


Mais leurs niveaux de vie est-il actuellement véritablement en train de monter parallèlement aux dégâts que cause l’économie de leurs pays sur l’environnement ?


Six entreprises chinoises sont maintenant rentrées dans le « top 100 » du Financial Times, le même nombre que pour le Japon, et à peine moins que la France. Mais la grande majorité de la population est laissée sur le côté de la croissance, de l’industrialisation rapide et de la transition vers l’économie de marché. Plus de 400 millions de Chinois n’ont même pas les moyens de faire appel à un véritable médecin et plus de la moitié des malades n’ont accès à aucun traitement. Des 248 millions de foyers ruraux, 200 millions dépendent de parcelles de terre d’une taille moyenne de 0.65 hectares. Il en faudrait 10 à 12 uniquement pour les nourrir correctement ! Chaque année, les suicides touchent un quart de million de fermiers pauvres, tandis qu’il y a annuellement au moins 10.000 décès uniquement dans l’industrie minière. Il est cependant difficile de se reposer sur les statistiques officielles en provenance du régime (elles peuvent être révisées avec une différence de 20% !).


Avec un produit intérieur brut de 692 milliards de dollars en 2004, L’inde est devenue la dixième économie mondiale. Mais, malgré la création d’une petite classe moyenne de 300 millions de personnes sur une population de 1,1 milliard d’individus, le bénéfice du développement économique n’a là non plus pas atteint le peuple à cause de la distribution inégale des richesses. Selon les estimations, entre un peu moins d’un quart (c’est-à-dire l’estimation officielle : 338 millions de personnes) et la moitié de la population du pays vit sous le seuil de pauvreté.


Même la position de leader économique des USA n’empêche ni la pauvreté dans ce pays, ni le fait qu’elle augmente. En 2005, selon le Wall Street Journal (qui tire ses sources de l’IRS, les Services de revenus intérieurs des USA), les 1% d’Américains les plus riches avaient gagné 21,2% de l’ensemble des revenus du pays (pour 19% « seulement » en 2004). Sur le même temps, la richesse des 50% d’Américains les plus modestes a diminué : ils avaient 12,8% de l’ensemble des revenus américains en 2005, contre 13,4% en 2004. Bien que les statistiques de l’IRS ne remontent qu’à 1986, des recherches universitaires laissent penser que la dernière époque où les Américains les plus riches ont cumulé un tel pourcentage du revenu national remonte aux années ‘20. La Belgique est, elle aussi, un pays dit « développé ». Toujours est-il que le taux de pauvreté y est de 15 % !


En fait, quand on parle de « niveau de développement », on ne parle pas du développement du bien-être de la population, mais du développement de la position économique des Etats, qui sont deux choses totalement distinctes.


En Grèce, l’ampleur des incendies de cette année s’explique en partie par les coupes que le gouvernement a fait subir aux services des sapeurs-pompiers et de protection des forêts alors que beaucoup d’incendies étaient volontaires et avaient un but économique (les terrains boisés sont protégés mais, une fois brûlés, ils ne le sont plus et peuvent servir à la construction et les promoteurs immobiliers qui se transforment occasionnellement en pyromanes sont nombreux). La responsabilité de l’Etat est évidente, et ses priorités aussi : récemment encore, le gouvernement a voulu facilité la procédure d’acquisition de terrains brûlés !


En Louisiane, tous les rapports qui s’accumulaient depuis déjà 50 ans mentionnaient les probabilités que les digues se rompent face à un ouragan. Ce qui n’a pas empêché Bush de pourtant oser déclarer « Je ne pense pas que quiconque avait anticipé que les digues se briseraient ». Quand « Katrina » est arrivée en 2005, 70 millions de dollars avaient été enlevés du budget de prévention des catastrophes de La Nouvelle-Orléans. L’année précédente, 40 millions de dollars avaient même été retirés des 105 millions que l’entretien des digues requiert. Le budget national pour faire face aux catastrophes naturelles avait lui aussi été diminué. Par contre, le budget militaire américain a gonflé de 48% depuis 2001 ! Ce budget, pour l’année fiscale 2007, est de 439,3 milliards de dollars. Durant l’évacuation de la ville, rien n’était prévu pour les 200.000 personnes qui n’avaient pas de voiture, ni pour leur ravitaillement. Cela n’a pas empêché le gouvernement de fermement condamner tout « pillage » alors que l’écrasante majorité des « pilleurs » cherchaient simplement de quoi survivre au milieu de la désolation.


Ces deux exemples suffisent amplement à donner une idée des priorités des différents gouvernements et illustrent les drames vers lesquels nous courons dans ce système.

KYOTO : Késako ?

Le protocole de Kyoto a été ouvert à la ratification en 1998 et est entré en vigueur en 2005.


Il comporte des engagements absolus de réduction des émissions pour 38 pays industrialisés (à l’exception des Etats-Unis et de l’Australie, qui ne sont pas signataires), avec l’objectif d’une réduction globale de 5,2 % des émissions de dioxyde de carbone (responsable à 65% du changement climatique) d’ici 2012 par rapport aux émissions de 1990. Mais, pour limiter à un niveau « raisonnable » le changement climatique (inférieur à 2°C), il faudrait diviser par deux les émissions mondiales ! En réduisant les émissions de 70%, il faudrait même encore 100 ans pour que les effets du réchauffement aient disparu.


De plus, chaque pays s’est vu octroyer un certain nombre de droits d’émissions contournables, puisqu’il est possible à un pays moins émetteur de revendre sa norme excédentaire à des pays plus pollueurs…


Greenpeace avait dénoncé le bien maigre résultat de la conférence de Marrakech (2001) qui avait véritablement traduit juridiquement le protocole de Kyoto en termes juridiques. Quant à Olivier Deleuze (ECOLO), qui menait la délégation européenne, il a alors déclaré qu’il préférait « un accord imparfait mais vivant à un accord parfait qui n’existe pas ». Quand il aura une jambe cassée, on lui donnera une aspirine, c’est toujours mieux que quelque chose qui n’existe pas…


Au-delà de l’analyse « Pays riches contre pays pauvres »

Comme on peut le voir, le « clivage Nord-Sud » ne répond pas à tout. Mais plutôt que de voir la pollution en terme d’émissions de gaz à effet de serre par pays, il est plus intéressant de l’analyser par secteur. Au niveau mondial, la production d’énergie est responsable à elle seule de 24% des émissions, suivie de près par l’industrie à 23% (soit 47% pour ces deux secteurs). L’agriculture cause, elle, 17% des émissions, tandis que les transports sont responsables à hauteur de 14%, à ex aequo avec la déforestation. En dernier lieu, arrivent les bâtiments avec 8%. Evidemment, ces données varient d’un pays à l’autre. En Belgique, 76% des émissions totales de gaz carbonique produites en 2002 étaient dus aux entreprises et pouvoirs publics. 47% Qui décide de la façon dont la production des entreprises, y compris dans le secteur de l’énergie, est orientée ? Et en fonction de quoi ? La réponse est simple : ce sont les capitalistes - les propriétaires d’entreprises et les actionnaires - qui réfléchissent en fonction des bénéfices qu’ils peuvent retirer d’une activité. Nous n’avons aucun mot à dire sur ce qui est produit, ni sur la manière dont la production est organisée.


17% Qui décide de la manière dont s’organise l’agriculture ? La réponse est la même. Ce marché est monopolisé par quelques grandes firmes agroalimentaires (régulièrement soutenues par des interventions publiques des Etats américains, brésiliens,…). Leurs pratiques démontrent un mépris qui n’a rien à envier à celui des entreprises pétrolières : au Paraguay, des villages ont été arrosés de produits chimiques… avec leurs populations, afin de les forcer à laisser la place pour les cultures des multinationales !


La production agricole est de plus en plus industrialisée, ce qui conduit les petits paysans, tout particulièrement dans les pays pauvres, à la perte de leurs terres. Ils se retrouvent alors piégés dans un processus d’endettement accéléré par l’obligation d’acheter des semences à base d’OGM. Il y avait en moyenne 15 famines par an dans les années 80. Vingt ans plus tard, ce chiffre avait doublé. Depuis 1995, la sous-nutrition mondiale est en augmentation, processus actuellement renforcé par la culture destinée aux biocarburants, au détriment de la culture alimentaire. De plus, à cause de l’altération de la composition chimique du sol ou encore de l’érosion des sols, notamment causée par la culture intensive, environ 1,964 milliard d’hectares de terres se sont dégradées. Plus de la moitié des surfaces cultivables dans le monde sont donc touchées…


14% Quant à la déforestation, qu’est-ce qui la motive ? Encore une fois le profit que peuvent en retirer certains. En Asie, 45% des émissions de gaz carboniques sont provoquées par la récolte de bois précieux organisée industriellement et destinée au marché occidental. De plus, de larges parts des forêts anciennes sont abattues pour implanter des monocultures très consommatrices en eau et produits chimiques.


Au moins 15 millions d’hectares de la forêt tropicale disparaissent chaque année, c
e qui produit annuellement 8 milliards de tonnes de CO², bien plus que les émissions du transport routier mondial ! Les reboisements dans les régions tempérées ne réduisent ce chiffre que de 30 % au grand maximum. Et les responsables ne sont pas de petits paysans qui veulent agrandir leur petit lopin de terre, mais bien les multinationales et leurs sous-traitants. Ainsi, Greenpeace a par exemple dénoncé en 2006 comment Mc Donald participait à la déforestation : le soya qui nourrit ses poulets est cultivé par son partenaire commercial dans d’anciennes parties de la forêts amazonienne.


14% Dans les transports, la route représente à elle seule 81% de ses émissions de gaz à effet de serre (GES) au niveau mondial (51% pour le transport routier de passagers plus 30% pour le transport routier de marchandises). Durant ces deux dernières décennies, le transport de marchandises a augmenté de 170 %. Le nombre de voitures a doublé sur terre depuis 1987 tandis que le transport aérien (responsable de 13% des émissions) a augmenté de 76% depuis 1990. Les entreprises privilégient aujourd’hui le « just-in-time » ou « zero stock ». Cette pratique est née de la volonté patronale de réduire les stocks de marchandises produites à l’avance et qui ne rapportent donc pas avant leur vente. Désormais, les marchandises ne sont produites qu’après commande, ce qui exige, pour que la commande puisse être réalisée très vite, que les « ingrédients » nécessaires à la production soient en constante circulation d’une entreprise à l’autre, le plus souvent par camion. En France, le transport de marchandises par route représente 94% des émissions de CO² liés aux transports et ce modèle va être renforcé par l’arrivée des bio-carburants. En moyenne, en Europe, 600 Km de voie ferrées sont démantelées par an.


8% En ce qui concerne les bâtiments, on en vient vite à parler du secteur de la construction, connu pour son éthique toute particulière. Ce dernier est en Belgique le secteur qui « emploie » le plus de sans-papiers (on estime qu’en Belgique, 50.000 des 150.000 sans papiers présents sont exploités dans le secteur) parce que ceux-ci sont forcés d’accepter de bas salaires et parce qu’ils ne peuvent pas se plaindre en cas d’accident (dont ce secteur est d’ailleurs un des principaux responsables selon les chiffres officiels). La Belgique a aussi été un des plus gros consommateurs d’amiante alors que les dangers de cette matière étaient connus. Mais c’est un bon isolant à faible coût… En Chine, des entreprises de briqueterie ont récemment fait parler d’elles pour avoir utilisé de véritables esclaves, certains enlevés en bas âge dans leurs villages. Encore une fois : ce qui prime, c’est que le travail avance vite pour aller sur un autre contrat, et tant pis si la santé des travailleurs où l’environnement doivent en pâtir.


Et au-delà des émissions de GES, qui sont les responsables des marées noires provoquées par les navires Exxon Valdez (Exxon Mobil, 40.000 tonnes de fioul déversées dans la mer en 1989), Erika (Total-Fina-Elf, 37.000 tonnes en 1999) ou Prestige (Alfa-Eco Group, 77.000 tonnes en 2002) ? La filiale d’Alfa-Eco Group, Crown Resources AG, a très vite été revendue à plusieurs cadres de la multinationale russe qui l’ont rebaptisée. De cette façon, Crown Resources AG n’avait plus d’existence légale lors de l’enquête. A l’image de tant d’autres entreprises - et pas seulement des multinationales - cette compagnie pétrolière a préféré hypothéquer la sécurité pour raisons financières et a trouvé des moyens légaux pour se décharger de ses responsabilités.


Le responsable, ce n’est pas l’Homme, mais le capitalisme. Ce système ne cause pas toutes les catastrophes, mais même quand il n’en est pas à l’origine, il en amplifie les effets. L’homme subit le capitalisme bien plus qu’il n’en profite - à l’exception d’une très petite minorité de parasites : les milliardaires en dollars ne sont même pas un millier pour une population mondiale de plus de 6 milliards d’êtres humains !



IV) Si le capitalisme est responsable, ne peut-il pas trouver des solutions ?

Le retournement de l’opinion publique, effrayée par l’augmentation des catastrophes naturelles, pousse les gouvernements à « s’occuper » de ce problème. Mais il est pour eux impossible de s’attaquer à ceux qui sont responsables des problèmes écologiques… puisqu’ils sont les premiers défenseurs des patrons et actionnaires ! Peut-on imaginer Sarkozy cracher de lui-même dans la soupe que lui offrent ses amis les patrons (notamment dans le milieu des médias) ? Peut-on imaginer Bush s’attaquer à ses amis pétroliers qui ont si gracieusement contribué à ses campagnes électorales ? Bush pourrait déjà commencer par reconnaître le danger de l’amiante, toujours légal aux USA (alors que les premières études médicales en démontrant le danger datent d’un siècle). Toutes les personnes qui sont venues au secours des victimes du 11 septembre ont ainsi respiré de la poussière d’amiante pendant des jours et, si rien ne change, ils ne pourront même pas être couverts par leur assurance-maladie (si tant est qu’ils aient eu les moyens de se l’offrir)…


Par ailleurs, il serait difficile d’utiliser dans les pays capitalistes développés une répression similaire à celle qu’ont subi et que subissent encore les populations du monde néo-colonial lorsqu’elles se mobilisent face, notamment, à l’un ou l’autre désastre environnemental. En conséquence, les réponses qui viennent des politiciens sont autant de poudre aux yeux, de solutions qui ne s’en prennent qu’à une partie infime de l’étendue de la problématique (et encore, bien mal comme l’illustre l’exemple du protocole de Kyoto). Mais leur intérêt n’est pas d’être efficace, il est de pouvoir postposer le problème en masquant les responsables. Idem pour la majorité des mesures prises par les entreprises elles-mêmes : ce n’est pas l’efficacité qui prime, mais la publicité et l’image.


Un prétexte bien pratique

La crise environnementale peut d’ailleurs devenir un prétexte bien utile. Les relations instables qu’entretiennent des pays comme la Russie, l’Irak, le Venezuela ou l’Iran avec l’impérialisme occidental poussent les Etats à chercher à devenir plus énergétiquement indépendants. Ainsi, quand le quotidien français « Le Monde » demande à Jean-Louis Borloo (ministre français de l’écologie, du développement et de l’aménagement durable) ce que signifie pour lui le développement durable, il répond « Le défi central, c’est de réorganiser la société avant que la raréfaction des ressources ne nous amène à une société de restriction ». En d’autres termes : il faut assurer autrement l’approvisionnement de nos entreprises. Quant au reste…


Alors que le néo-libéralisme est de plus en plus sous le feu de critiques sans cesse plus vives, l’environnement arrive à point nommé pour les serviteurs du patronat. Derrière l’argument « nous sommes tous responsables avec nos choix de consommation », il y a la menace de nouvelles attaques sociales sous le masque de la sauvegarde de l’environnement. Le « nous sommes tous responsables » sert avant tout à cacher que les entreprises n’ont pas trop de soucis à se faire au regard de leur écrasante responsabilité. Et puis à force d’avoir vidé les caisses des Etats en cadeaux sous forme de diminution de charges patronales et autres diminutions de taxes, à force d’avoir bradé les services publics, les « taxes écologiques » arrivent à point nommé pour renflouer les finances, à nouveau sur le dos des travailleurs.


La réunion consacrée au dernier contrôle budgétaire du gouvernement Verhofstadt a ainsi instauré une taxe « écologique » sur les emballages et les voitures polluantes. Réponses crédibles face à l’enjeu de la sauvegarde de notre planète ? Ce fut surtout pour le gouvernement une manière de prélever, selon leurs estimations, 67 millions d’euros avec les impôts pour les emballages et 65 millions d’euros avec la taxe sur les voitures polluantes (et pas pour le budget de la lutte pour la protection de l’environnement). La logique derrière cela est celle du « pollueur-payeur », mais ces taxes ne touchent pas tout le monde de la même manière et le patronat vide toujours plus les caisses de l’Etat en recevant cadeaux fiscaux sur cadeaux fiscaux.


La Confédération Européenne des Syndicats et la Commission Européenne ont ensemble réalisé une étude qui évalue les conséquences d’une réduction de 40% des GES d’ici 2030. Cette étude met en avant le fait que les secteurs s’occupant des équipements spécialisés dans l’efficience énergétique des bâtiments (174.000 emplois et 37 milliards d’euros de chiffre d’affaire en 2006 dans l’Union Européenne) ont face à eux de gigantesques opportunités. Rappelons tout de même que les bâtiments ne représentent que 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.


Cette étude aborde aussi la possibilité de prendre des mesures contraignantes pour les entreprises. Mais c’est pour signaler immédiatement que cela serait synonyme de délocalisation, avec ce que cela signifie en terme de pertes d’emplois et d’augmentation des émissions de gaz carbonique à cause du transport des marchandises des pays plus « tolérants » vers le marché européen. Ainsi, instaurer un système de quota d’émissions de GES pour les 12.000 sites les plus polluants en Europe menacerait 50.000 emplois dans la sidérurgie sur les 350.000 que compte ce secteur, et 8.000 dans les cimenteries (sur 53.000). Tant que les entreprises dirigeront le monde, ce genre d’argument prévaudra toujours et pourra même obtenir un soutien auprès de certains travailleurs si le mouvement ouvrier et syndical n’est pas capable d’apporter une autre réponse.


D’ailleurs, le niveau des investissements et des dépenses courantes annuelles de l’industrie européenne pour la protection de l’environnement montre que cette question est très, mais alors très loin d’être une priorité. Selon l’Office européen des Statistiques, Eurostat, ce niveau a baissé entre 1999 et 2002, passant de 35 milliards d’euros (soit seulement 0,41% du PIB européen) à 25 milliards d’euros. Même raboté par le gouvernement américain, le budget annuel de l’entretien des digues de la Nouvelle-Orléans avant qu’elles ne s’écroulent était supérieur à ce chiffre !


Dans un contexte où une crise internationale de l’économie est devenue probable dans un proche avenir - à partir de la crise des crédits hypothécaires américains et de ses conséquences – le prétexte de l’écologie pour faire passer des attaques sociales va prendre plus de poids. De plus, il est certain que des mesures visant à protéger les différentes économies (ou plutôt bourgeoisies) nationales vont elles aussi se teindre de vert, comme par exemple l’imposition de quotas de GES à ne pas dépasser dans la production de certains produits pour que l’Union Européenne puisse les bloquer à ses frontières.


D’autres mesures sont également prises, parfois d’un ridicule à faire pleurer de rire. A titre d’exemple, dans le courant du mois de septembre a été annoncée la création d’une unité de répression des pollutions en Wallonie. Jusque là, rien à redire. Mais il faut savoir que cette unité n’est composée que de… 10 agents seulement ! Il va toutefois y en avoir bientôt 16, dont l’objectif sera de lutter contre la « criminalité environnementale organisée », c’est-à-dire contre des infractions graves qui seront bientôt définies par décret. Donc, avant même de fixer l’étendue du travail à mener, on annonce la création d’une équipe (histoire de montrer que le gouvernement wallon se préoccupe de l’environnement)…mais on ne la dote que de moyens dérisoires (histoire de ne pas se créer d’ennuis avec les grandes entreprises). Car on peut déjà être certain que dans cette « criminalité environnementale organisée » ne figureront pas les licenciements opérés par la société LUMINUS en Wallonie, principalement dans l’entretien des centrales électriques hydrauliques. Au-delà du drame humain que représente cette décision (dans une entreprise qui pourtant n’a pas à se plaindre de ses bénéfices) plus de 250.000 tonnes de gaz carboniques supplémentaires vont être rejetés dans l’atmosphère. Les travailleurs de la société, licenciés ou non, ainsi que la population pourront respirer ces émanations et à partir du 1er décembre 2007, avoir une pensée émue pour la société qui aura augmenté les prix du gaz pour les ménages et les PME de 6%. Et tant pis pour ceux qui ne pourront pas payer et passeront l’hiver au froid. Les pauvres pollueront moins et seront donc davantage pollués cet hiver.


De plus, dans un système dominé par les seuls profits des entreprises, les catastrophes naturelles sont aussi l’opportunité de profiter d’une population sous le choc pour lui imposer d’autres drames. Quand, en décembre 2004, le tsunami a balayé le Sri Lanka, cela a par exemple donné aux autorités la possibilité de chasser les pêcheurs du front de mer pour vendre les terrains à des groupes hôteliers.


Reporter la crise

Dans le meilleur des cas, la réponse de la bourgeoisie n’est pas de solutionner le problème, mais seulement de le déplacer. Le nucléaire est un exemple particulièrement révélateur de ce processus. L’énergie nucléaire fournit actuellement 17% de l’électricité mondiale. Doubler le nombre de centrales permettrait de diminuer nos émissions de GES de 15% (ce chiffre est toutefois contesté par certains scientifiques). Toujours est-il qu’actuellement, 29 nouvelles centrales sont en construction de par le monde. Mais les problèmes qu’entraîne cette « solution » sont nombreux. Le plus fréquemment évoqué par les médias est le risque de prolifération nucléaire à une époque où les conflits régionaux (particulièrement au Moyen-Orient) et inter-impérialistes gagnent en ampleur et où le simple approvisionnement en eau risque de devenir une cause majeure de conflits. Mais ce n’est pas le seul. On peut aussi parler des risques d’accidents similaires à celui de Tchernobyl (qui a contaminé directement 150.000 km², cinq fois la superficie de la Belgique), particulièrement dans des pays du monde néo-colonial où les catastrophes chimiques et toxiques sont nombreuses, bien souvent à cause du mépris de multinationales pour l’environnement et la sécurité des populations locales. On se rappelle de l’accident de Bhopal, en Inde, où entre 16.000 et 30.000 personnes ont été tuées et 500.000 touchées par les émanations toxiques d’une usine chimique du premier groupe chimique américain « Union Carbide Corporation ». La multinationale avait réduit les frais de fonctionnement, et donc la sécurité, pour augmenter une rentabilité jugée insuffisante. Mais même les pays « développés » ne sont pas protégés des risques du nucléaire. Le Japon a ainsi failli connaître un sinistre nucléaire en juin 2007 suite à un tremblement de terre (le Japon est une gigantesque zone sismique). Ne parlons même pas de la gestion des déchets : actuellement déjà, 7.000 tonnes de déchets nucléaires sont produits chaque année, sans que l’on ne sache comment s’en débarrasser…


Le biocarburant est un autre exemple frappant. L’Union Européenne a décidé d’incorporer 6% de bio-carburants dans sa consommation de carburants d’ici 2010 tandis que les USA veulent arriver à une production de bioéthanol de 36 milliards de gallons pour 2022 (ce qui correspond à une augmentation de 700%). Pourtant, de plus en plus de voix s’élèvent pour critiquer l’efficacité réelle de la solution des bio-carburants. Des études scientifiques récentes montrent, par exemple, que pour produire 1,2 unité d’énergie sous forme d’éthanol de blé, il faut 1 unité d’énergie fossile. D’autre part, l’extension rapide des surfaces consacrées à la culture des plantes utilisées pour la fabrications de bio-carburants pose de graves problèmes. Michel Hartmunt, le prix Nobel de chimie, a critiqué la dévastation des forêts tropicales et la déforestation tandis que Greenpeace estime que 87% des forêts tropicales détruites entre 1995 et 2000 l’ont été pour produire du Biodiesel ! Ajoutons encore que, comme les terres cultivables ne sont pas illimitées, la demande croissante de « bio »-carburants a des effets néfastes sur la production et les prix des denrées alimentaires.


L’ancien économiste en chef de la Banque mondiale, Nicolas Stern a expliqué que si rien n’est fait, le coût du réchauffement climatique atteindra 5.500 milliards d’euros : plus que les deux guerres mondiales et la crise de 1929 réunies ! Il faudrait dès maintenant consacrer 1% de la richesse mondiale à la lutte contre le réchauffement pour pouvoir éviter que ces frais ne soient de l’ordre de 5 à 20% plus tard.


Ces coûts économiques vont certainement forcer les entreprises à changer leurs méthodes. Mais dans une certaine mesure seulement. Car le capitalisme est un système basé sur la concurrence et la « lutte à mort » et le chacun-pour-soi reprendra le dessus dès le premier problème. Dans son rapport de 2005, Transparency International indique que le volume des pots-de-vin dans le seul cadre de contrats publics internationaux passés par les entreprises avait atteint 300 milliards de dollars, soit 10% du marché mondial du bâtiment et des travaux publics. Dans un système pareil, alors que des sommes de profits astronomiques sont en jeu, comment imaginer que les règles environnementales puissent être vraiment respectées ?



V) Quel programme défendre ?

Comment mobiliser toutes les forces productives de la société pour sauver la planète ?

1. Pour une politique de stimulation des solutions collectives et pas de sanctions individuelles !

La cause environnementale ne doit pas servir de prétexte aux gouvernements pour remplir leurs caisses ! Les « écotaxes » - ne jamais se fier au nom seul ! - font endosser au consommateur la responsabilité des méthodes de production et de distribution capitalistes, alors qu’il n’a rien à dire. Par contre, ceux qui ont les poches pleines peuvent continuer à polluer, en s’acquittant d’une amende très légère proportionnellement à leurs revenus.


Nous sommes contre les taxes sur le gaz carbonique car ce seront les couches les plus pauvres qui seront les plus affectées : tout le monde n’a pas les moyens de changer ce que la bourgeoisie qualifie d’habitudes et qui sont en fait des nécessités pour beaucoup. Par exemple, au-delà des critiques à faire sur l’efficacité environnementale de cette mesure, qui aurait les moyens de changer directement sa voiture pour une neuve qui pollue (un peu) moins ? Certainement pas les plus pauvres, qui utilisent la plupart du temps des voitures d’occasion. Pour d’autres, par exemple les travailleurs qui habitent en périphérie de Bruxelles (à cause des loyers trop élevés à Bruxelles ou parce qu’ils souhaitent voir leurs enfants grandir dans un environnement plus sain), une grosse voiture confortable est nécessaire pour effectuer quotidiennement des heures de trajets, parfois avec les enfants à l’arrière qui doivent s’occuper avant d’arriver à destination. Dans ces deux cas, comme dans bien d’autres, la solution réside dans le développement de transports en commun gratuits, de qualité et dans toutes les parties du pays (vivre sans voiture dans la province du Luxembourg est aujourd’hui quasiment impossible). Nous ne voulons pas supprimer ou interdire les voitures mais, si suffisamment de moyens sont affectés pour cette mesure, l’automobile occupera une place beaucoup plus réduite dans les déplacements quotidiens au fur et à mesure du développement des lignes de bus et de chemin de fer. D’autre part, le nombre d’accidents de la route diminuera aussi fatalement. En 2006, il y a eu 1.069 décès sur les routes en Belgique, en plus des 7.027 blessés graves et des 58.270 blessés légers.


Ceci étant dit, nous ne sommes pas contre toutes les taxes mais nous proposons de les réserver pour les produits de luxe polluants comme, par exemple, le jet privé de Sarkozy.


Il faut inciter à voir autrement. Suivant cette même logique qui pousse à consommer collectivement, et pas individuellement, nous pensons que les systèmes de subventions, notamment pour isoler énergétiquement les immeubles, sont insuffisants. Sur base du même exemple, nous sommes favorables à un plan national appliqué commune par commune pour isoler les bâtiments rue par rue selon un standard démocratiquement élaboré. A côté de cela, un plan de construction de logements sociaux abordables, de qualité et bien isolés et de rénovation de bâtiments anciens afin d’augmenter le nombre de logements. Avec assez de logements sociaux, une pression suffisante serait mise sur les propriétaires privés qui abusent de la pénurie de logements pour réclamer des loyers exorbitants. Cela serait d’ailleurs aussi une solution pour ceux qui déménagent loin de leur ville de travail simplement à cause du prix des maisons et du loyer et qui sont donc forcés d’opérer un déplacement coûteux en temps et en énergie chaque jour. De même, les populations pauvres n’auraient plus à habiter à côté de sites polluants à cause des loyers moins élevés.


2. Plus de moyens pour une recherche scientifique indépendante !

EXXON MOBIL : « Dont Worry, Be Happy »

Que font les multinationales pétrolières de leur profits ? Elles protègent leurs intérêts pardi ! Comme nous l’avons déjà dit, Exxon Mobil avait déjà en 2002 exercé des pressions sur le GIEC par le biais complaisant des USA pour écarter le président de celui-ci, jugé trop militant.

Il est vrai que chez EXXON, l’objectivité est de rigueur. Ainsi, entre 1994 et 2004, cette chaleureuse entreprise a dépensé 13 millions de dollars pour sponsoriser des études contestant le réchauffement climatique. Rien qu’entre 2000 et 2003, la somme a été de quelques 8.793.450 dollars.

Le podium pour cette dernière période est composé de 712.000 dollars pour l’Américan Legislative Exchange Council (qui a déclaré que « le réchauffement climatique pourrait même sauver des vies »), de 960.000 dollars pour l’American Entreprise Institute (qui a publié un article sur le réchauffement intitulé « Don’t Worry, Be Happy ») et enfin de 1.380.000 dollars à la Competitive Entreprise Institute qui a comparé les risques de réchauffement climatique à ceux d’une invasion extraterrestre…


Actuellement, la population n’a pas les capacités de savoir quelles sont les meilleures mesures à mettre en oeuvre pour sauvegarder l’environnement. Les bio-carburants (ou agro-carburants, comme on devrait plus honnêtement les appeler) sont autant décriés qu’encensés. Plutôt qu’un débat d’idées, on assiste ici surtout à une lutte entre les industries exploitant les matériaux fossiles et les industries agro-alimentaires.


Toutefois, il existe déjà des recherches scientifiques intéressantes, comme celles financées par Greenpeace. On ne part pas de zéro, quantité d’informations et d’analyses sérieuses existent déjà et il serait ridicule de ne pas les utiliser. Des analyses intéressantes peuvent aussi venir de la part des universités d’Etat et de leurs laboratoires (le contrôle sur ces recherches est une des nombreuses raisons qui font que le patronat tente de prendre le contrôle des universités en privatisant l’enseignement supérieur).


Mais même ces recherches s’effectuent souvent sans véritable coordination et aboutissent parfois à des découvertes qui sont achetées par les entreprises dans le seul but d’assurer que ces découvertes ne soient pas appliquées. Le secteur pétrolier s’est taillé une réputation impressionnante dans ce domaine.


Toute ingérence de l’industrie ou du privé doit être retirée de la recherche scientifique, qui doit être réellement indépendante et non subordonnée aux intérêts des actionnaires et patrons. Les brevets doivent être abolis et la recherche d’alternatives énergétiques doit être prioritaire, ce qui prend des significations très concrètes en ce qui concerne les moyens financiers. Il est très révélateur de constater que les études du GIEC ont été faites à titre individuel, après le travail « officiel » effectué normalement par ces quelques 2.500 chercheurs. A côté de cela, les dépenses du secteur automobile aux USA pour la publicité ont augmenté de 16% durant le premier semestre de 2007 pour atteindre la somme de 17,8 millions de dollars.


Devant une problématique telle que celle-ci, d’une telle ampleur, il faut se donner les moyens de trouver des solutions, il faut mobiliser toutes les forces productives et scientifiques de la société.


Maintenant, il est très difficile d’aller plus loin en terme de revendication. L’énergie solaire est une solution : chaque seconde, la Terre reçoit de l’énergie solaire en quantité telle qu’elle représente 4.000 fois la consommation de l’humanité. Mais le coût de l’énergie solaire est encore élevé, de même que ses performances restent encore limitées. Il y a encore l’énergie des marées, ou celle rayonnée par le noyau terrestre. Il est aussi possible de développer les recherches sur le stockage d’énergie…


Ce n’est qu’au cours de recherches approfondies qu’il n’est possible de mener qu’en affectant le maximum de moyens possibles en terme de finances et de chercheurs dans le cadre d’un plan sous contrôle public, que nous pourrons savoir ce qui doit être fait et que nous pourrons par la suite améliorer ces solutions. Ce n’est qu’à ce moment que nous pourrons être certains qu’aucun moyen n’existe pour traiter les déchets nucléaires ou que nous saurons si des méthodes possibles sont actuellement mises de côté pour raisons financières ou si de nouvelles méthodes pourraient être envisagées. Sous le capitalisme, il n’y a pas de solutions pour sortir du nucléaire. Fermer les centrales belges, par exemple, entraînerait l’importation d’énergie nucléaire française. Le problème ne serait finalement que reporté, ce qui renforce d’autant l’urgente nécessité de sortir de ce système.


De même, il nous faut aussi réfléchir de toute urgence aux moyens à mettre en œuvre pour en quelque sorte « réparer » les dégâts que le capitalisme a causés. La géo-ingénierie part de ce postulat : ce que des produits chimiques ont pu faire, notamment dans le cadre du climat, la science peut le défaire. Nous devons toutefois être très prudents par rapport à ce genre de propositions à la « Jurassik Park ». Mais la seule certitude que nous pouvons avoir à ce sujet, c’est que tant que la société sera aux mains d’une minorité qui ne défend que ses intérêts, notamment en s’entre-déchirant, ce genre de solutions repousseront certains problèmes pour mieux en amener d’autres.


3. Stop au gaspillage, pour une planification de la production !

Actuellement, on ne peut collectivement savoir ce qui est produit dans la société qu’à partir du moment où la production a déjà eu lieu. Chaque entreprise dans son coin tente de dominer et d’inonder le marché. On se retrouve ainsi avec une profusion de marques de lessives là ou ce n’est pas nécessaire. Ce n’est qu’un exemple, on pourrait aussi parler des médicaments, avec le fait supplémentaire que même s’il y a trop de médicaments produits pour ce que le « marché » est capable d’absorber, les exclus du marché peuvent quand même mourir comme de vulgaires chiens galeux.


Chaque entreprise produit non en fonction de ce dont le « marché » a besoin, mais en fonction de ce qu’elle pourra vendre (quitte à imposer la nécessité du produit à grand renfort de pollution publicitaire) et de préférence pouvoir continuer à vendre par la suite. Alors que les nombreuses matières qui composent un GSM (plus de 500, loin d’être toutes recyclables) viennent de partout dans le monde et polluent donc à travers leur production et leur transport, chacun sait que la durée de vie d’un GSM est très courte. « C’est normal, les commerçants doivent vivre » entend-on dire. Ce sont plutôt les patrons des entreprises de production de GSM qui doivent vivre tandis que les magasins des gros opérateurs de téléphonie étouffent les commerçants « normaux ». Nokia, le célèbre leader mondial de la communication mobile, a obtenu pour le troisième trimestre de 2007 un bénéfice de 1,56 milliards d’euros, soit 85% de plus que pour le troisième trimestre de 2006 ! De son côté, Mobistar a réalisé 299,5 millions d’euros de profit en 2006, soit une croissance de bénéfice de 10,8% par rapport à l’année précédente.


Dans le secteur de l’énergie (qui produit 24% des émissions mondiales de GES), les problèmes sont encore plus visibles. Nous avons déjà parlé de la société LUMINUS dont les licenciements ont pour effet d’augmenter de 250.000 tonnes les émissions de gaz carbonique en Belgique. Ce sont les profits à court terme qui priment et l’environnement ne sort pas gagnant quand les entreprises réalisent de meilleurs profits.


Electrabel a réalisé un bénéfice net de 2 milliards d’euros en 2005, mais des mesures environnementales peuvent restreindre ses bénéfices. La réponse donnée par la gauche officielle du SP.a, le parti « socialiste » flamand, est que l’Etat doit nationaliser (en indemnisant les actionnaires) le secteur de l’énergie, destiné à être moins rentables à cause des mesures environnementales. Comme les capitalistes ne veulent pas investir dans un secteur en décroissance, ce serait donc à la collectivité de payer pour réparer les dégâts commis par les patrons et leurs actionnaires !


Nous revendiquons l’arrêt total des privatisations et la nationalisation des secteurs-clés de l’économie, et en particulier du secteur de l’énergie, sous le contrôle des travailleurs, sans rachat ni indemnités, sauf sur base de besoins prouvés (les petites épargnants, comme des personnes âgées ou des travailleurs, qui ont placé leurs maigres économies en Bourse, par exemple). De plus, les services publics doivent être largement étendus et gratuits: les soins de santé (notamment pour faire face aux maladies des pays chauds qui commencent à arriver en Europe, pour faire face à l’augmentation du nombre de personnes touchées par l’asthme ou d’autres maladies respiratoires dues à la pollution de l’air, etc.), les services d’urgence comme les services d’incendie (qui manquent déjà cruellement de moyens alors que les sinistres naturels augmentent), les transports publics (comme déjà expliqué) y compris celui des marchandises (pour enrayer l’explosion du trafic routier et la prolifération des camions sur les routes), l’enseignement (entre autres pour avoir suffisamment de moyens pour mieux responsabiliser la jeunesse face aux enjeux environnementaux, mais aussi pour rénover les bâtiments scolaires, pour développer la recherche scientifique, etc.)…


La production doit être orientée en fonction des besoins de la population selon un plan démocratiquement élaboré, c’est-à-dire avec la participation de chacun. N’importe qui peut se rendre compte que le meilleur moyen de gérer ses finances, c’est d’y faire attention et de prévoir ce dont on aura besoin, en quelle quantité,… Il en va de même pour la société dans son ensemble. Toutefois, face à l’idée répandue que le marché et la concurrence sont nécessaires pour assurer le développement, il faut préciser qu’une planification n’est en rien une stagnation. La raison pour laquelle la société soviétique a stagné ne se trouve pas dans la planification, mais dans la dictature bureaucratique qui pesait sur cette société. Les masses n’avaient aucun moyen de participer aux décisions mais elle devait les subir de façon brutale. Une telle situation ne peut, dans le meilleur des cas, que rendre passif et indifférent vis-à-vis de la construction de la société. En étant impliqué dans la planification, c’est-à-dire en soumettant ses propres idées à la collectivité, en discutant de celles des autres, en concrétisant un projet, chacun peut s’épanouir et faire preuve de beaucoup plus d’initiative et de créativité que dans cette société où l’argent règne en seul maître. Le terme de « marché libre » est bien trompeur : ce n’est pas un marché où des villageois achètent librement ce qu’ils veulent.


Il s’agit en fait de la liberté qu’a chaque patron d’utiliser des moyens matériels et financiers pour faire fonctionner son entreprise – qui assure pourtant une partie de la production de la société - dans son seul intérêt. Cette production anarchique et à courte vue est source d’un gaspillage énorme. Des mesures sérieuses de protection de l’environnement affaibliraient sans doute la position concurrentielle des entreprises. Une bonne partie de celles-ci veulent bien être propres, mais à condition que toutes les autres le soient aussi. Mais - en admettant que les masses imposent cela à l’échelle de la planète et n’utilisent pas leur force pour aller plus loin – tous ces efforts seraient rapidement gâchés. Le capitalisme étant basé sur la concurrence, dès qu’un patron en difficulté déciderait de passer outre aux mesures environnementales, il entraînerait à sa suite les autres qui utiliseraient le précédent ainsi créé pour justifier le fait qu’ils tentent par tous les moyens de « rester concurrentiel ».


Pour éviter qu’un tel processus se mette en branle, les masses doivent avoir le contrôle des entreprises.


4. Les décisions sur l’orientation de la société nous concernent tous, pour une véritable démocratie : le pouvoir aux travailleurs !

La « démocratie » telle qu’elle est appliquée aujourd’hui reste largement un leurre. Lénine avait affirmé en 1917 (dans son livre « L’Etat et la Révolution », écrit quelques semaines avant la Révolution d’Octobre) que « décider périodiquement, pour un certain nombre d’années, quel membre de la classe dirigeante foulera aux pieds, écrasera le peuple au Parlement, telle est l’essence véritable du parlementarisme bourgeois, non seulement dans les monarchies constitutionnelles parlementaires, mais encore dans les républiques les plus démocratiques ».


Quelques 90 années après que ces lignes aient été écrites, force est de constater que rien n’a fondamentalement changé. Les élus sont irrévocables entre les élections et font ce qu’ils veulent une fois passées les élections. L’argent domine toujours les campagnes électorales. En Belgique, le seuil pour être élu (et donc pour recevoir des subsides de l’Etat) a été fixé à 5% : en 2005, les partis traditionnels ont reçu 56 millions d’euros de l’Etat. Tant légalement que financièrement, cela élimine les partis qui n’ont pas le soutien financier de riches individus ou d’entreprises. Tous les partis établis sont favorables à des diminutions de charges pour les entreprises sur le dos des travailleurs et des ménages « afin de sauvegarder l’emploi ». En guise de sauvegarde d’emploi, le bilan est pourtant sans contestation possible éminemment négatif, les diminutions du taux de chômage sont surtout dues à des manipulations de statistiques.


Lénine a encore déclaré « l’Etat est l’organisation spéciale d’un pouvoir ; c’est l’organisation de la violence destinée à mâter une certaine classe ». Et effectivement, c’est toujours aux masses de trinquer, de manière plus ou moins violente en fonction du contexte. Les exemples où la gendarmerie et l’armée ont tiré sur la foule lors de protestations d’ampleur ne manquent pas dans l’histoire de la Belgique (et aujourd’hui encore, la police n’hésite pas à recourir à la violence pour disperser une manifestation). Contrairement à ce qui est communément admis, l’Etat n’est pas l’émanation des intérêts collectifs d’une société, mais bien l’émanation des intérêts des des patrons d’entreprises et des banquiers.


Une société planifiée, nous l’avons vu dans le point précédent, a besoin de démocratie comme un corps a besoin d’oxygène. L’Etat tel qu’il existe actuellement ne peut remplir un rôle de démocratisation des prises de décisions. C’est pourquoi un nouvel organe de gestion de la société doit être créé, sur base d’assemblées régulières et d’élections démocratiques de délégués et de comités au sein des entreprises, des quartiers, des écoles,… Toutes les personnes concernées par les activités de ces comités doivent être intégrées aux discussions et décisions (dans le cas d’une école, cela pourrait signifier que ce comité rassemblerait des représentants des étudiants, des parents et des professeurs.


Du temps doit être dégagé pour que chacun puisse avoir l’opportunité de s’investir dans la prise des décisions pour gérer la société. Il est parfaitement ridicule de voir que, dans la société capitaliste actuelle, chaque progrès technologique a pour effet de faire grossir les rangs des chômeurs et des travailleurs intérimaires tandis que d’autres travailleurs subissent des pressions pour travailler plus longtemps. Dans ces conditions, chacun a devant lui ses problèmes personnels (stress lié au travail, stress pour boucler ses fins de mois ou trouver un travail,…), ce qui rend plus difficile l’investissement politique. Pour cette raison, et aussi comme solution face au chômage, le temps de travail disponible doit être réparti en fonction des travailleurs disponibles de manière à créer des emplois correctement payés et non précaires. Parallèlement à cela, le développement des services publics - et de l’emploi dans ce secteur - permettra aussi d’économiser du temps. Le temps ainsi dégagé pourra servir à s’occuper de soi, de ses hobbies,… mais aussi à s’investir dans la gestion de la société.


Nous revendiquons la semaine de travail de 32 heures, avec embauches compensatoires et sans pertes de salaire.

5. Le bien-être des travailleurs et le bien-être de la planète vont de pair !

La question de l’emploi face à l’environnement est un sujet particulièrement sensible. Pour beaucoup de monde, et particulièrement au sein des syndicats, l’imposition de mesures destinées à protéger l’environnement est synonyme de perte d’emploi (à juste titre d’ailleurs tant que l’on pose cette question à l’intérieur du cadre du capitalisme). En Angleterre, par exemple, tous les syndicats sont contre la sortie du nucléaire par crainte de pousser dans la pauvreté les milliers de travailleurs qui vivent de cette industrie. Les jeunes radicalisés ou les militants écologistes peuvent ainsi se décrédibiliser aux yeux du mouvement ouvrier s’ils ne tiennent pas compte de cette réalité.


Or, face à la crise environnementale, nous devons mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour mobiliser le plus de forces possible dans la lutte. Se couper de couches de travailleurs ne peut qu’affaiblir le rapport de forces à construire face au patronat. Les travailleurs au sein des entreprises polluantes ne sont pas là par plaisir mais par nécessité économique : tout le monde n’a pas les moyens de refuser un emploi ! De plus, ce sont souvent les premières victimes de la pollution de l’entreprise en question. Les riverains et les travailleurs des entreprises doivent être liés dans la lutte. Pollution, conditions de travail déplorables, exploitation du terrain et des travailleurs : les responsables sont les mêmes !


Le meilleur moyen pour que la majorité de la population soit active dans la lutte pour la préservation de notre milieu n’est pas de s’attaquer à ceux qui sont déjà victimes et non responsables de la situation. Ce sont ceux qui dirigent l’économie et la production de ce que nous sommes en définitive forcés de consommer qui sont à pointer du doigt et à attaquer de la façon la plus ferme possible.


La revendication de fermeture des entreprises polluantes doit être liée à celle de la reconversion des entreprises et des travailleurs par le développement des services publics et de la recherche d’énergies alternatives, domaine dans lequel une masse d’emplois peuvent être créés. Là aussi, la revendication des 32 heures est importante.


6. La lutte pour la sauvegarde de l’environnement n’est pas distincte des autres luttes dans la société !

Avant même de s’occuper de résoudre les dégâts causés à l’environnement, il faudra procéder à un partage des moyens (c’est-à-dire des richesses) indispensables pour se prémunir des effets des dégâts déjà causés à notre milieu. Nous revendiquons, entre autres, le développement d’un service national de soins de santé afin d’étendre et de permettre la gratuité des soins. La lutte contre les effets de la pollution sur notre corps doit pouvoir se faire indépendamment des moyens financiers de chacun.


Les moyens existent pour financer cette mesure comme les autres que nous proposons. Si les poches des travailleurs et de leurs familles sont de plus en plus vides, ce n’est pas le cas de celles des patrons, des actionnaires et de leurs amis politiciens. La richesse cumulée des 946 milliardaires à travers le monde qui vivent de l’exploitation est de ... 3.500 milliards de dollars (!). En Belgique, Didier Bellens, le patron de Belgacom, touche 2,2 millions d’euros par an, le patron de Dexia touche 1,450 million d’euros, comme le patron de Delhaize (1,4 million). Johnny Thijs, le patron de la Poste, touche lui 800.000 euros... Tout ça sans parler des divers avantages de leurs fonctions, des actions en Bourse,... Chaque année, la fraude fiscale des grandes sociétés en Belgique est estimée à plus de 15 milliards d’euros. La CGSP-Finance l’a même estimée à hauteur de 30 milliards en 2006 ! Ce sont les responsables qui doivent payer, c’est aux riches de débourser !


Ce constat n’est pas uniquement valable face à la problématique de l’environnement. Il est le même quelque soit le secteur que l’on considère. Dans tous les domaines de notre vie, dès que les capitalistes se sentent assez forts pour reprendre d’une main ce qu’ils ont dû, sous la pression, céder de l’autre, ils le font.


Le mal est le même, le remède doit l’être aussi. Nous devons en fait lutter contre ceux-là même qui sont responsables de l’exploitation des travailleurs, des attaques contre les acquis durement gagnés par les générations précédentes d’exploités,… L’unité des travailleurs doit être réalisée pour qu’ils puissent s’en prendre là au capitalisme là où il est le plus vulnérable : dans la production elle-même. Ce sont les travailleurs qui créent les richesses, c’est à eux d’en profiter. Nous voulons en finir avec la mainmise du privé sur les secteurs fondamentaux de la production.


7. Opposer l’internationalisme à l’impérialisme !

Un rapport récent estime que 1% du PIB mondial durant 50 années suffirait à résoudre le problème du réchauffement climatique. Ce sont des cacahuètes pour la bourgeoisie, mais c’est pourtant déjà de trop. Les capitalistes ne sont pas disposés à laisser de côté leurs bénéfices, même pour une somme aussi infime face aux enjeux en présence. Si la bourgeoisie n’arrive à trouver aucune solution viable, c’est qu’aucun accord n’existe entre des puissances impérialistes qui tentent chacune de protéger leurs multinationales. Les règles du capitalisme étant fondées sur la concurrence internationale et la recherche du profit maximal, les gouvernements sont incapables de contrôler l’économie mondiale et ne peuvent donc agir que de façon restreinte.


L’impérialisme laisse aussi des traces sur l’environnement, au-delà du fait que les budgets consacrés à l’armement font cruellement défaut ailleurs. Le Vietnam subit ainsi encore aujourd’hui les effets des produits chimiques déversés par l’armée américaine il y a déjà plus de trente années !


La mondialisation du commerce a engendré la mondialisation du trafic de déchets. L’exportation de produits dangereux est passée de 2 millions de tonnes en 1993 à 8,5 tonnes en 2001, en majorité vers des pays d’Afrique ou d’ex-Union Soviétique où les règles de protection sont inversement proportionnelles à la corruption.


D’autre part, une véritable politique environnementale ne peut être menée qu’internationalement. Il est évident que la pollution de l’air dans un pays n’a pas des effets que dans ce pays. Un plan énergétique mondial intégré dans un plan général de nationalisation et de planification des secteurs-clés de l’économie doit être élaboré. Tant que les multinationales dirigeront la société, aucune solution à long terme ne pourra être appliquée. Pire, cela pourrait être un prétexte pour stopper le développement d’un pays du monde néo-colonial sous prétexte de préservation de l’environnement. Les travailleurs du monde néo-colonial et ceux des pays capitalistes développés ont les mêmes intérêts et doivent être solidaires, leur lutte est la même et doit se diriger contre tous les capitalistes, quel que soit leur pays.


8. Pour une société socialiste démocratique basée sur l’épanouissement de chacun

Aucun des points de ce programme ne peut être réalisé indépendamment des autres, de la même manière que ce programme ne saurait être réalisé dans un seul pays. Mais mettre en oeuvre ce programme signifie impérativement aller vers une société socialiste démocratique qui rompe avec les chaînes du capitalisme.


Quelques revendications concernant le pétrole :

Notre programme est plus une méthode qu’une longue succession de points en fonction de cas particuliers. De plus, beaucoup d’entre elle répondent à des problèmes très différents.


Les revendications qui découlent d’un tel programme sont nombreuses et il s’agit pour nous de les choisir avec soin. En fonction de leur utilité immédiate, bien entendu, mais également en fonction de leur capacité à attirer - explicitement ou implicitement - l’attention sur le fait que toute solution à l’intérieur du capitalisme est à la fois partielle et éphémère. Et, en dernier point, et ce n’est pas le moindre, en fonction de leur capacité à unir dans la lutte l’ensemble des travailleurs face à leurs problèmes.


L’exemple ci-dessous permet de rendre cela un peu plus concret.


Le MAS/LSP exige:

  • la ré-affectation des recettes pétrolières par l’Etat dans les secteurs prioritaires tel que l’enseignement, les soins de santé, le logement.
  • l’abolition de la TVA sur le mazout et sur les autres sources de chauffage
  • le gel immédiat des prix
  • le retour du carburant dans l’index
  • la nationalisation des multinationales pétrolières sous contrôle des travailleurs, ce qui permettrait aussi de mettre la main sur tous les brevets d’énergies alternatives accaparés par les multinationales.

Si toute activité humaine produit des déchets, toutes les façons d’organiser cette activité ne sont pas égales en termes de pollution. Le capitalisme, à cause de la recherche immédiate de profit maximum pour une minorité au détriment des besoins de tous, est un système dont la production est véritablement chaotique avec un rendement très faible. Une économie planifiée de façon démocratique aurait pour but de satisfaire les besoins de la population et intégrerait donc une politique de préservation de l’environnement, puisqu’il s’agit d’une question vitale pour l’humanité.


Pour la première fois dans l’histoire, un développement des forces productives peut aujourd’hui être planifié en tenant compte des capacités de la planète et des ressources en matières premières. Ce développement harmonieux entre l’homme et la nature est indispensable pour éradiquer la pauvreté et maintenir la paix mondiale.


Puisque le socialisme ne peut émerger qu’à partir du capitalisme, comme le résultat d’une lutte victorieuse des travailleurs contre celui-ci, les mesures spécifiques qui seront prises par le gouvernement socialiste dépendront des conditions économiques, sociales et politiques de ce moment-là. De la même manière que nous ne pouvons prévoir la date de la révolution, nous ne pouvons pas prévoir de manière précise et détaillée quelles en seront les conditions. Le socialisme n’est pas un modèle de société « clé sur porte » à appliquer dès que le capitalisme sera détruit mais un processus historique qui ne fait que commencer avec la destruction de l’ancien système.


La libération des forces créatrices du monde du travail, aujourd’hui complètement aliénées, opprimées ou soumises à la logique de profit conduira à un développement sans précédent de la société humaine. Chaque période révolutionnaire de l’histoire qui a vu une classe se libérer du joug d’une autre classe s’est aussi manifestée par une révolution sur le plan de la créativité et de l’inventivité dans les mœurs, les arts, la culture et la science. L’exemple de la Russie soviétique, avant la prise du pouvoir par la bureaucratie à la fin des années ’20, est très révélateur de ce processus, alors même que le pays sortait épuisé de la première guerre mondiale et d’une guerre civile. Le nouveau pouvoir des Soviets a ouvert le droit à l’avortement et à la contraception, facilité le divorce, créé des centaines de crèches. L’enseignement gratuit a été instauré. Une effervescence artistique sans précédent s’est développée (pensons au futurisme russe et en particulier à Vladimir Maïakovsky, tandis qu’en France les surréalistes embrasseront les idéaux socialistes avant de se détourner, avec raison, du stalinisme).


L’histoire de la Révolution russe, entre autres, permet d’ailleurs de donner des éléments de réponse à la question : une fois au pouvoir, le mouvement ouvrier ne va-t-il pas lui aussi développer une couche de fonctionnaires et de bureaucrates désireuse avant tout se remplir les poches ?


Dans la Russie de 1917, ouvriers, soldats et paysans ont constitué des milliers et des milliers de comités élus démocratiquement dans les entreprises, les quartiers, les casernes ou encore les villages. Ces élus étaient à tout moment révocables et ne pouvaient pas gagner un traitement plus élevé que le salaire moyen d’un travailleur (il s’agit d’un principe que notre organisation internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière, met en pratique pour chacun de ses membres élu à quelque niveau que ce soit). Les premiers à avoir été privilégiés ont été les spécialistes (scientifiques, ingénieurs, …) pour éviter la « fuite des cerveaux » face à la pénurie imposée par la guerre civile et les interventions des puissances impérialistes au cours des années qui ont suivi la Révolution. Mais ces spécialistes étaient placés sous le contrôle politique des travailleurs et les délégués élus par la population exerçaient eux-mêmes les fonctions législatives et exécutives dans les conseils (les soviets). Hélas, l’isolement de la Révolution dans le pays arriéré qu’était la Russie suite aux échecs des révolutions en Allemagne et en Hongrie, la guerre civile, les pénuries que celle-ci imposa aux masses, l’épuisement des ouvriers et des paysans après 4 années de guerre mondiale et 3 années de guerre civile, la disparition de milliers de militants ouvriers politiquement conscients partis défendre les armes à la main les acquis de la Révolution d’Octobre,… tout cela a ouvert la voie à une caste de fonctionnaires qui a dans les faits définitivement pris le pouvoir des mains des travailleurs à la fin des années ‘20. Les privilèges de cette caste ont été préservés par la répression, l’envoi en exil, la déportation ou l’exécution pure et simple des vieux militants bolcheviks ainsi que par la falsification historique (les photos retravaillées par les hommes de main de Staline pour effacer les « traîtres » sont célèbres).


Aujourd’hui, les risques d’une évolution similaire sont plus réduits. Tout d’abord, l’exemple de ce qui s’est passé en URSS reste vivace. Le meilleur hommage que nous puissions rendre à tous ceux qui ont eu à vivre sous la botte de Staline et de ses successeurs - qui, s’ils ont renié Staline, n’ont en rien renié le système bureaucratique qu’il a incarné - c’est de tirer des leçons correctes et de ne pas jeter l’enfant (le socialisme) avec l’eau du bain (le stalinisme).


Ensuite, aujourd’hui, les économies nationales sont tellement liées entre elles au sein d’une véritable économie mondiale et les moyens de communication si développés qu’un pays qui briserait les chaînes qui le lient au capitalisme aurait un impact très rapidement jusqu’à l’autre bout de la terre. Rompre l’isolement d’un pays en révolution – ce qui est crucial pour la survie et le développement d’une expérience socialiste – sera certainement beaucoup plus aisé au 21e siècle qu’en 1917. Aujourd’hui, tous les pays comprennent une proportion bien plus grande de personnes sachant lire, écrire, calculer… qu’en Russie en 1917. La population urbaine est majoritaire à l’échelle mondiale, le nombre de salariés est sans commune mesure avec la faible minorité que représentaient les ouvriers en Russie. Tout cela augmente d’autant les capacités des masses à réellement participer et à contrôler la construction de la nouvelle société.


Toutefois, le risque d’une bureaucratisation est toujours bien présent. La meilleure manière d’éviter que l’histoire ne se répète, c’est de préparer dès aujourd’hui les remèdes. Cela passe par le développement d’une culture de démocratie, de débat et de libre critique dans les luttes et au sein des mouvements sociaux et des organisations politiques où chacun peut être intégré et participer activement aux prises de décisions. D’autre part, cela signifie également de construire, tant sur les plans national qu’international, un parti révolutionnaire assez fort pour que la construction de la société à venir puisse s’effectuer dans les meilleurs conditions. Cependant, l’efficacité du parti révolutionnaire est indissolublement liée à l’auto-organisation des masses et à une culture généralisée de libre débat.



VI) Pour être vert, sois rouge !

Beaucoup de jeunes, et d’ailleurs pas uniquement eux, pensent qu’un tel parti révolutionnaire n’est pas nécessaire. Ils estiment que le caractère oppresseur du pouvoir est inhérent à tout parti. Nous pensons au contraire que cet aspect oppresseur est lié au caractère d’un parti bourgeois dans un environnement capitaliste. Le type de parti que nous proposons et construisons avec le MAS/LSP et le Comité pour une Internationale Ouvrière n’a rien à voir avec les appareils antidémocratiques bourgeois ou staliniens.


La méfiance éprouvée face aux partis est tout à fait compréhensible mais la question de la création d’un parti révolutionnaire est cruciale, tant du point de vue des luttes quotidiennes que du point de vue de la révolution à venir.


L’ennemi que nous avons à affronter, la bourgeoisie, est extrêmement organisé et centralisé. Pour le battre, nos forces doivent elles aussi être organisées le plus efficacement possible : l’organisation et l’unité dans la lutte sont nos armes les plus puissantes. Individuellement, chacun de notre côté, nous ne pouvons qu’être broyés par la force de la machine d’Etat capitaliste ou par celle du patronat (dans les entreprises,...).


Ensuite, la conscience politique des masses se développe de façon inégale : alors que leur expérience concrète démontre à de nombreux travailleurs ou jeunes qu’il existe une loi pour les riches et une autre pour les faibles, ils sont aussi sous l’influence des médias bourgeois, de l’enseignement prodigué par l’Etat capitaliste ou de la religion. En temps normaux, une petite minorité seulement lutte de façon systématique et cohérente contre le capitalisme et son idéologie. Mais, durant des périodes de lutte plus intenses, la conscience des masses évolue par bonds et peut très vite tirer des conclusions révolutionnaires.


Il est essentiel qu’existe une organisation politique se basant sur la minorité consciente politiquement pour conduire la lutte pour les idées révolutionnaires au sein du mouvement dans son ensemble : dans les syndicats ou les différents mouvements de contestation qui peuvent se développer, y compris sur base de la question environnementale.


En s’investissant dans les luttes quotidiennes des travailleurs, en adoptant des positions révolutionnaires capables de repousser les carriéristes, en refusant tout privilège dans ses rangs, en combinant la démocratie et les débats sur sa politique et sa direction, en étant uni dans l’action avec la participation active de sa direction dans le travail militant, une organisation révolutionnaire peut se protéger des pressions qu’elle subira au sein du capitalisme et qui risqueraient de la transformer en un organe anti-démocratique et inutile pour l’émancipation de l’humanité.


Les possibilités pour la construction d’une alternative socialiste peuvent croître dans la prochaine période avec une ouverture plus grande pour des critiques anticapitalistes, notamment à cause de la crise environnementale. Par un patient travail d’intervention et de construction de nos organisations partout à travers le monde, nous voulons renforcer et saisir ce potentiel afin de libérer l’homme et la nature de l’emprise du capitalisme.


Mais pourquoi s’attacher à cette idée de révolution ?



VII) Quelles méthodes de lutte utiliser ?

Nombreux sont ceux qui préfèrent, au nom du réalisme, chercher à adapter le système actuel plutôt que de vouloir le renverser. Cet objectif – qui est celui d’organisations comme Greenpeace, OXFAM, ATTAC et autres ONG ne nous semble justement pas réaliste parce que le capitalisme, comme nous l’avons vu, est un système prédateur et indomesticable. Une partie des militants écologistes ont choisi la voie politique et parlementaire, comme le parti ECOLO. Mais à force de vouloir être « présentable » pour les autres partis, les concessions ont suivi les unes après les autres. Dans une interview accordée au quotidien Le Soir à la mi-octobre, Isabelle Durant et Jean-Michel Javaux (qui sont tous les deux au pouvoir dans leur commune ave le MR…) ont déclaré qu’ils refusent désormais de se positionner sur un axe gauche-droite déclarant qu’« ECOLO est ancré dans les valeurs progressistes mais est autonome et se rend aux élections les mains libres en terme de coalitions ». Pour certain, il s’agit de pragmatisme, pour nous, d’une adaptation logique à un système réfractaire à tout changement significatif. Il est vrai que des acquis ont pu être obtenus dans le passé au sein du capitalisme, mais pas à n’importe quelles conditions.


Pour forcer les capitalistes à lâcher du lest, il a fallu des luttes, des mobilisations massives et souvent du sang suite à la répression. Et encore cela s’est surtout produit dans des périodes de forte croissance économique. La majorité de nos acquis sociaux provient des vingt années qui ont précédé la première guerre mondiale (époque marquée par le pillage des colonies) et des « trente glorieuses » qui ont suivi le gigantesque massacre de la seconde guerre mondiale. Que sont devenus nos acquis aujourd’hui ? Ils se réduisent inlassablement et il en sera ainsi tant que les travailleurs ne partiront pas résolument à l’offensive.


Mais la marge pour que la bourgeoisie concède des concessions similaires est actuellement réduite. De l’aveu même du Fonds Monétaire International, nous sommes au début d’une crise mondiale qui sera lourde de conséquences. Ce qui vaut pour nos acquis sociaux vaut également pour la protection de l’environnement.


Une période de crise pousse à de nouvelles aventures guerrières, c’est-à-dire la continuation de la guerre par d’autres moyens. Tant que ce système pourri ne sera pas renversé par les travailleurs, cette menace subsistera.


Le simple fait de travailler dans une usine ou un bureau ne rend personne plus noble. Mais le processus capitaliste de production, de distribution et de communication dépend de A à Z des travailleurs. Sans eux, rien ne fonctionnerait. La position économique et sociale centrale qu’occupent les travailleurs dans la production, leur organisation collective imposée par le capitalisme dans la production mais aussi librement construite dans les luttes syndicales et politiques leur donne le potentiel d’en finir avec le capitalisme et de construire une nouvelle société. De là vient la stratégie d’essayer de gagner la majorité des travailleurs à un programme socialiste. Seule une majorité consciente de la classe des travailleurs est capable de mener une transformation socialiste de la société. Les actions isolées et de type « terroriste » destinées à « éveiller » les travailleurs ne sont que des aveux d’impuissance et de manque de confiance envers les capacités des masses à tirer des conclusions révolutionnaires.


Les travailleurs ont déjà démontré à plusieurs reprises la force qui était la leur : en Russie en 1917 bien sûr, mais aussi en Chine (particulièrement à la fin des années ’20), en Espagne durant la révolution de 1936, à la Libération dans de nombreux pays, en Allemagne de l’Est en 1953, en Hongrie et en Pologne en 1956, en France, en mai ‘68, au Chili, en 1970-1973, au Portugal, en 1974-1975, en Iran en 1979, en Pologne en 1980,… et en Amérique Latine aujourd’hui (au Venezuela, en Bolivie, …).


La jeunesse a elle aussi un rôle particulier dans la société. Parce qu’elle est depuis moins de temps sous l’influence de l’idéologie dominante (qui, dit-on, « assagit ») et parce qu’elle subit moins fortement le poids des défaites passées, la jeunesse est très souvent la première à se lever contre le système quand arrive une crise. Mais il lui faut absolument être rejointe par les travailleurs sous peine de voir son énergie et sa volonté de changement s’épuiser sans résultat durable. La moyenne d’âge au sein du parti bolchevik avant 1917 était de 16 ans, mais la révolution ne se serait pas déroulée si les bolcheviks n’avaient pas su se lier à la masse des travailleurs et des paysans.


L’une des principales critiques à porter au mouvement contre la mondialisation est justement d’être passé à côté de ce lien, ce qui explique dans une large mesure pourquoi ce mouvement s’est fortement affaibli. Le dernier G8, cet été en Allemagne, a illustré cette importante lacune. Durant ce G8 s’est déroulée une importante grève dans le secteur des Telecom mais, hélas, aucune liaison n’a été tentée entre les militants anti-G8 et les grévistes alors qu’il s’agissait là d’un important moyen pour perturber la réunion du G8.


De même, en août de cette année, des écologistes ont organisé pendant une semaine un « climate action camp » à l’aéroport londonien de Heathrow pour protester contre l’élargissement annoncé de cet aéroport. Un grand point positif a été la coopération réussie entre les militants écologistes et la population locale concernée. Cela a donné aux activistes la possibilité de discuter de leurs idées avec les habitants et a aussi donné un caractère plus large et plus représentatif à la manifestation, ce qui a laissé moins de latitude aux médias - et aux policiers - pour isoler les actions. En revanche, il a régné parmi les militants une grande confusion vis-à-vis des méthodes politiques à employer et les revendications mises en avant étaient à la fois limitées et vagues. Aucun lien clair n’a été établi avec la responsabilité du capitalisme dans ce problème et tout dialogue avec le syndicat des pilotes a été rejeté.


De par le fait qu’elle n’est pas dans son entièreté liée au monde du travail (en étant toujours aux études, à la charge de leurs parents, au chômage,…), certaines couches de la jeunesse - de par la confusion idéologique qui règne - peuvent développer des positions qui passent à côté du fond du problème qu’est la structure capitaliste. Ainsi, dénoncer les OGM ou les produits chimiques n’est pas le point fondamental. De même qu’un couteau n’est pas mauvais en soi, mais dépend de l’utilisation que l’on en fait, ce qu’il faut à notre sens dénoncer, c’est la manière dont le capitalisme pervertit toute innovation technologique. En France, les conséquences de la rigueur exceptionnelle de l’hiver 1788/89 ont été l’un des éléments qui a poussé la population à se révolter contre le régime féodal. Aujourd’hui, il en va de même. La crise environnementale va pousser de plus de gens à se poser des questions sur le système responsable de ce gâchis qui menace l’avenir de l’humanité. Mais le manque de clarté sur les possibilités d’une alternative au système peut freiner le développement d’une résistance active et des mouvements de lutte.


Regardons le présent tel qu’il est, il n’est pas fait que de désastres, de catastrophes ou encore d’extinctions d’espèces. Il porte en germe un futur débarrassé de l’exploitation : un avenir réellement socialiste, une société harmonieuse où le bien-être des producteurs, des consommateurs et de leur environnement sera la priorité. Luttons dès aujourd’hui pour ne pas avoir à regretter demain d’avoir trop tardé.


Depuis quand les marxistes ont-ils quelque chose à dire à ce sujet ?



Notre analyse de la crise écologique, notre programme pour y faire face et les méthodes pour réaliser celui-ci trouvent leur origine dans les théories de Marx et d’Engels (développées par la suite par Lénine, Rosa Luxembourg, Trotsky et bien d’autres encore). Toutefois, beaucoup de gens pensent qu’il n’y a que peu de temps que les marxistes s’occupent de l’environnement et qu’à l’instar des gouvernements bourgeois, ils ne s’y intéressent que parce qu’ils y sont poussés par l’intérêt de la population pour ce questions. Pourtant, Marx et Engels avaient déjà développé des positions écologistes bien avant que la pollution et ses dégâts ne deviennent un débat de société.


Marx et Engels, les auteurs du Manifeste du Parti Communiste (1848), ont refusé de se laisser enfermer dans de fausses idées comme celle d’opposer l’écologie à la technique ou de dire que le combat environnemental dépasse les clivages politiques. Friedrich Engels disait par exemple : « qu’il s’agisse de la nature ou de la société, le mode de production actuel tient uniquement compte du résultat immédiat manifeste ». Pour eux, c’est l’industrie capitaliste, et non l’industrie en général, qui est le véritable virus à la base de la dégradation de l’environnement. Les intérêts à court terme de la minorité qui possède les moyens de production et contrôle la société vont à l’encontre de ceux de l’humanité, avec des conséquences évidentes pour le respect du milieu de vie.


En prenant l’exemple de l’agriculture, Marx déclarait par exemple, bien avant l’utilisation massive des pesticides : « Tout l’esprit de la production capitaliste, axée sur le gain d’argent immédiat, est en contradiction avec l’agriculture, qui doit desservir l’ensemble des besoins permanents des générations humaines qui se chevauchent». Et il précisait : « Chaque progrès de l’agriculture capitaliste représente un progrès non seulement dans l’art de dépouiller le travailleur, mais dans celui d’appauvrir la terre ; toute amélioration temporaire de la fertilité des sols rapproche des conditions d’une ruine des sources durables de cette fertilité ».


Engels, dans son ouvrage La dialectique de la nature, allait dans le même sens : « Nous ne dominons nullement la nature à l’instar du conquérant d’un peuple étranger, comme si nous étions placés en-dehors de la nature (…) toute la souveraineté que nous exerçons sur elle se résume à la connaissance de ses lois et à leur juste application, qui sont notre seule supériorité sur toutes les autres créatures. En effet, chaque jour, nous apprenons à mieux pénétrer ses lois et à reconnaître les effets plus ou moins lointains de nos interventions (…). » Il avertit cependant qu’arriver à une solution « exige de nous autre chose qu’une simple connaissance », et « nécessite le bouleversement total de notre production, y compris l’ordre social actuel dans son ensemble (...) Le profit obtenu par la vente est le seul et unique mobile du capitaliste (…) ce qui advient ultérieurement de la marchandise et de son acquéreur est le dernier de ses soucis. Il en va de même quand il s’agit des effets naturels de ces agissements».


Tous deux ont finalement démontré que la société industrielle et la nature ne sont pas incompatibles. Mais la production industrielle doit être organisée de manière consciente, planifiée dans les intérêts de tous et avec la participation de tous, afin d’éliminer les gaspillages et la logique de profit à court terme qui définit notre société actuelle. C’est cette dernière qu’il faut changer de fond en comble, radicalement. Toute position intermédiaire ne saurait être que l’équivalent d’une aspirine donnée à un cancéreux.


URSS et Chine « populaire »

Bien évidemment, quant on met en avant comme solution de détruire le capitalisme pour résoudre, entre autres, les problèmes environnementaux, un simple regard porté sur la pollution qui sévit en ex-Union Soviétique ou en Chine ne pousse pas à aller plus avant sur cette voie. Actuellement, un cinquième de la population russe vit dans une région tellement sinistrée écologiquement qu’elle est un danger pour la santé. Cas unique au monde, la centrale nucléaire de Krasnoïarsk refroidissait ses réacteurs directement avec l’eau du fleuve qui coule à proximité et elle y était ensuite reversée sans aucun traitement. De même, les pluies acides couvrent un tiers du territoire chinois et un rapport officiel a évalué les pertes économiques liées à la pollution à 3% du PIB de la Chine en 2004. Des analystes indépendants estiment que la réalité est plus proche des 10%. Dans le même pays, on dénombre au minimum 750.000 morts prématurées liées à la dégradation de l’environnement. L’exemple de l’usine pétrochimique de Jilin a, en 2005, illustré le respect qu’éprouvent les dirigeants d’entreprises envers l’environnement et la population : elle a déversé dans le fleuve Songhua des centaines de tonnes de produits hautement cancérigènes.


Pour nous, le « socialisme » qui y a été appliqué n’a finalement été qu’une caricature sanglante caractérisée notamment par un productivisme à outrance. Pour fonctionner, une économie planifiée a besoin de démocratie comme un corps a besoin d’oxygène. En ce sens, le règne dictatorial de la bureaucratie dans ces pays n’a pas eu uniquement comme conséquence les déportations et la répression : les dégâts causés à l’environnement devront encore être supportés par de nombreuses générations.


Quand les Etats staliniens se sont effondrés, le désastre écologique (Tchernobyl,…) des pays de l’Est a été pointé du doigt. Mais tant le passage de l’ex-URSS à l’économie capitaliste que la transition sur la même voie qui se déroule actuellement en Chine n’ont en rien atténué cette situation. Bien au contraire.