jeudi 15 janvier 2009

L’école peut-elle être un moteur de transformation sociale ?

Lorsque l’on pose un regard sur notre système d’enseignement secondaire (ceci tient aux nuances près pour le supérieur), on ne peut être qu’être effaré par le nombre d’échecs qu’il produit et par sa structure inégalitaire. La plupart des spécialistes en sciences de l’éducation analysent cette situation de manière disciplinaire et attribue cette faillite à la pédagogie utilisée par les professeurs et à la politique éducative en vigueur dans notre pays. Pour eux une réforme de l’enseignement (implémentation de la pédagogie nouvelle et une politique éducative progressiste) permettrait de sortir de cette logique.


Alain (Namur)


Quand on se plonge dans les dédales de chiffres produit par l’enquête PISA (1), on peut découvrir que l’enseignement en Communauté Française est le plus inégalitaire de ce que l’on appelait avant l’Europe des 15 et les résultats des élèves sont le plus souvent classés en queue de peloton plutôt qu’en tête. Pour ce qui est des compétences mesurées, les élèves en Communauté Flamande reçoivent de bons résultats mais les écarts-type y sont élevés. Il faut cependant mettre en perspective les résultats PISA, car la méthodologie de recherche utilisée par l’OCDE, n’est pas exempte de défauts. Néanmoins ils constituent une base chiffrée non négligeable.


L’enseignement en Communauté Française est organisé en trois réseaux : le réseau de la Communauté Française, le réseau Officiel (qui regroupe les écoles communales et provinciales) et le réseau libre (enseignement libre confessionnel ou non confessionnel). Le décret mission fixe la politique éducative générale de l’enseignement qui est décliné selon les spécificités de chaque réseau en différents projets pédagogiques. Une caractéristique fondamentale de l’enseignement en Belgique est consacrée par la Constitution : l’enseignement en Belgique est libre (pour ne pas dire libéral). Ce qui veut dire que tout qui veut peut ouvrir une école, et les parents ont la liberté absolue d’inscrire leur enfant dans l’école de leur choix. Il en résulte un authentique marché scolaire, les réseaux d’une part et puis les écoles essayant d’attirer le plus d’élèves dans son camp. Au vu de ce qu’on a dit plus haut, le libéralisme qui est incapable de répondre aux attentes sociales des gens, est aussi incapable à résoudre les problèmes liés aux questions scolaires. Quand on compare le document cadre de la politique éducative (décret mission) avec les résultats on peut voir le hiatus qui sépare les intentions proclamées et les résultats. Les lignes forces du document sont :


  • Apprendre à apprendre
  • Faiseur de réussite
  • Égalité des chances


On constate l’exact opposé dans le mouvement réel. Comment peut-on expliquer cela? La presse bourgeoise et l’opinion publique qui n’est pas avare d’à peu près sur ces questions, attribue cette situation à la paresse des élèves, à l’éducation et à l’autorité des parents (qui, comme on le dit, n’est plus ce qu’elle était...)…


Hors de ces discours un brin simplistes, il est d’autres analyses. Celles-ci, plus sérieuses, sont le fait de pédagogues, de philosophe ou de sociologue de l’éducation. Pour ces derniers, si l’enseignement est ce qu’il est c’est à cause du manque de connaissance en pédagogie et en psychologie des acteurs de l’éducation. Depuis des années déjà, avec les travaux de Piaget, de Vygotsky et d’autres après eux comme Mérieux, Fracoviak, Perrenoud, les acteurs du monde de l’éducation possèdent un corpus théorique important et des outils qui permettraient à chaque enfant de développer de manière optimale son potentiel. Afin de réformer l’enseignement, il faut donc faire acquérir aux maitres d’écoles tous ces instruments.


Ce genre d’explication disciplinaire est pertinente, mais cependant incomplète. Car depuis le temps que l’on possède et les causes du problème et les solutions, l’absence de changement prouve que le problème se situe ailleurs. L’erreur est épistémologique, les problèmes liés à l’enseignement ne peuvent être considéré de manière uni-disciplinaire. L’école n’est pas en abstraction dans la société. La théorie marxiste de la lutte des classes nous permet d’apporter une explication et une réponse globale à ces questions.


« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des classes », Manifeste du parti communiste, K. Marx et F. Engels


Cela veut dire que l’école est le produit historique de la superstructure de la société. Le capitalisme est le système de production qui domine actuellement dans le monde entier. Ce système se caractérise entre autres par des disparités économiques majeures. Pour la Belgique, une étude datant de 1994 a établi que 10% des familles les plus riches détiennent 50% des richesses contre 1,1% des richesses pour les 10% des familles les plus pauvres. Et cela il y a 15 ans.


Notre pays est donc un pays fortement inégalitaire dans sa superstructure. La lutte des classes durant l’histoire a donné sa forme actuelle à nos institutions. Celles-ci sont le reflet du rapport de forces qui est présent dans la société. À l’heure où la classe ouvrière était en position de force, nous avons pu obtenir des acquis formidables dans l’enseignement (massifications de l’enseignement, développement de l’éducation comme un service publique,…). La nécessité, pour l’industrie en plein essor, de travailleur de plus en plus qualifié a également joué en notre faveur. Avec la dépression de 1973-1975, les capitalistes ont cherché à inverser ce rapport. Avec la politique de contre-réformes néolibérales, ils se sont attaqués systématiquement à tous les acquis de la classe ouvrière.


L’enseignement en a fait les frais également, le budget pour celui-ci qui avait été amené à 7% est retombé à actuellement environ 5,4% du PIB. Cela fait des milliards d’euros qui ont été ainsi été perdus. De plus, avec la diminution du salaire réel et l’augmentation sans cesse des frais de logement, il s’en est suivi une ségrégation géographique qui a fait naitre des quartiers précarisés. Les écoles situés à proximités de ces quartiers on vu s’homogénéiser de plus en plus leur population scolaire. Ce qui a contribué à ce qu’on appelle les écoles « ghettos ».


Quelles ont été les réponses des politiciens traditionnels et en particuliers de la gauche qui a eu ces dernières année à gérer la Communauté Française (qui est compétente en matière d’éducation) ? Il y a eu le décret inscriptions (sur le principe du : «premier arrivé, premier servi») de Marie Arena qui a fait grand bruit dans la presse. On a vu des files de parents qui voulaient s’assurer, ou plutôt assurer à leur progéniture, une place dans les meilleures écoles de la région, ou vu d’un autre angle éviter certaines écoles.


Ce décret a été battu en brèche pour finalement être abrogé. Ensuite, remaniement ministériel faisant, l’actuel ministre Dupont a mis en place le décret Mixité, celui-ci a totalement explosé en vol. Il faut dire que ce décret particulièrement inique comportait un élément (qui pour sur en d’autre circonstance prêterait à rire), après une procédure d’inscription assez complexe, il y avait la possibilité de tirer les places au « Lotto » lorsque trop d’élèves briguait la même place. Le ministre lui-même a annoncé le retrait du texte pour l’an prochain et ils sont actuellement en réflexion pour la suite.


L’aménagement à la marge qu’essayent d’effectuer les ministres dits « socialistes » révèle leur incapacité à prendre la mesure du problème. Pas de lutte contre l’inégalité en milieu scolaire sans lutte massive des travailleurs et des jeunes contre les contre-réformes néolibérales. Ce n’est que par une mobilisation de masse des élèves, professeurs, parents, liées à la lutte du mouvement ouvrier que l’on pourra implémenter de vrais changements dans ce domaine. Il faut que le mouvement social mette à l’avant le mot d’ordre d’égalité de manière générale et établissent un rapport de force qui seul permettra d’obtenir des réformes radicales dans le monde de l’éducation, notamment en termes d’augmentation massive de financement public.


On ne peut conclure sans rappeler cette terrible leçon historique : l’ensemble des réformes que peuvent obtenir les travailleurs sur base de leurs luttes ne peut être maintenu sur le long terme dans le système capitaliste. À la faveur de recul économique ou de démobilisation de la classe ouvrière, le patronat a montré dans l’histoire et le montre encore en ces temps de crise économique qu’il est prêt à revenir sur chaque acquis de notre classe. Il faut donc lutter de manière révolutionnaire pour le renversement du système des patrons dans son ensemble.


Si toi aussi tu es intéressé par les problématiques liées aux questions de l’enseignement et que tu veux changer de société, n’hésite pas à prendre contact avec nous et à venir nous rejoindre. Le Parti Socialiste de Lutte avec son organisation étudiante (Etudiants de Gauches Actifs) lutte pied à pied dans le sens d’un enseignement égalitaire dans un monde socialiste.



(1) Enquête PISA : Programme international pour le suivi des acquis des élèves, enquête trisannuelle de l’OCDE.